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n’est guère de véritable artiste sans spiritualisme sincère et profond. La foi de l’artiste est même plus solide que celle du philosophe. Elle n’est pas discutable pour lui, elle est son instinct, son souffle, sa vie même.

D’Argères était à la fois un grand esprit et un bon enfant. Il était homme, et c’est avouer que l’insensibilité de cette belle Laure, qu’il admirait trop pour ne pas l’aimer déjà un peu, lui fit éprouver, dans les premiers moments, une certaine mortification intérieure ; mais son bon sens prit aisément le dessus et il se moqua de lui-même.

— Après tout, se dit-il, c’est moi qui ai voulu la voir, et, l’ayant vue, c’est moi qui ai voulu me produire devant elle. Ses larmes et sa confiance sont un payement fort honnête de mon petit mérite. Que me doit-elle de plus ?

Et puis, en la voyant si navrée et comme incurable, il se prenait d’une tendre compassion pour elle. Il se reprochait généreusement de s’amuser aux bagatelles de l’amour-propre, devant une souffrance si absolue et si peu importune. Peut-on s’irriter contre le silence des tombes ?

L’espèce de maladie ou plutôt de courbature morale qui pesait sur cette femme amena entre elle et d’Argères une manière d’être assez inusitée, et l’espèce d’abîme creusé entre eux par sa douleur fut précisément la cause d’une sorte d’intimité étrange et soudaine. Il est très-