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cher ami, que tes esprits ont pris réellement un vol qui n’est pas le mien. Je dois te sembler ridicule. Cela m’est égal ; mais je ne voudrais pas te sembler importun par mon indifférence à tes occupations. Tu te plains de n’être plus artiste. Je n’en crois rien. Peut-on avoir goûté les suprêmes jouissances de la vie et les dédaigner pour des jouissances vulgaires ? Non. La fièvre de spéculations qui te possède en ce moment n’est autre chose elle-même qu’une fougue d’artiste. J’ai été surpris le jour où, accrochant ta palette aux pauvres murailles de ton atelier, tu m’as dit :

— L’art, c’est la soif de tout. Il faut la richesse pour assouvir les besoins que l’imagination nous crée !

Je t’ai répondu, il m’en souvient :

— Prends garde ! la soif assouvie, il n’y a peut-être plus d’artiste.

— Eh bien, disais-tu, meure l’artiste et avec lui la souffrance !

Je t’ai combattu ; mais j’ai apprécié ensuite ta situation et tes facultés. Fils d’un riche et habile spéculateur, il y avait en toi des tendances innées, une capacité non développée, mais certaine, pour la spéculation. L’art t’avait séduit, il t’appelait de son côté. Tu avais pris, dès l’enfance, dans la riche galerie de ton père, la compréhension et l’enthousiasme de la peinture. Peut-être aussi mon exemple t’avait-il influencé. Blâmé, repoussé