Page:Sand - Adriani.djvu/82

Cette page n’a pas encore été corrigée

adoucie et embellie. Un voile de mélancolie s’était répandu sur cette tranquillité sculpturale. Ce n’était plus la mer éclatante et pétrifiée sous la glace, à laquelle je l’avais comparée, c’était un lac bleu doucement ému sous les souffles plaintifs de l’automne.

Je lui fis encore de la musique ; elle me servit elle-même du thé avec des soins charmants qui ne parurent plus lui coûter que de légers efforts de présence d’esprit. Elle parla musique et peinture avec moi, et les noms de plusieurs personnes connues d’elle et de moi dans l’art ou dans le monde vinrent se placer naturellement dans notre entretien et former un lien commun dans nos souvenirs. Elle me dit que j’étais un grand artiste, me questionna sur mes études ; mais, bien que Muiron, qui ne nous quittait pas, en prît occasion pour essayer de m’interroger indirectement sur ma position et mes relations, madame de Monteluz la tint en respect par une discrétion exquise sur tout ce qui sortait tant soit peu du domaine de l’art. Elle parut m’accepter de confiance.

Ma vanité se remit sur ses pieds. Je crus un moment avoir commencé l’œuvre de sa guérison ; mais, en y regardant mieux, je vis que la grâce de cet accueil n’était qu’un plus grand effort d’abnégation. Le peu de curiosité qu’elle me témoignait, au milieu d’une admiration d’artiste plus que satisfaisante pour mon amour-