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— Monsieur est servi ! S’il veut bien me suivre…

Je refusai. Madame de Monteluz insista.

— Ah ! monsieur, me dit-elle, ne m’ôtez pas l’occasion de réparer mes torts envers M. de West en traitant son hôte comme le mien ; vous me feriez croire qu’il me garde rancune et qu’il vous a défendu de me les pardonner en son nom.

Je suivis machinalement la Toinette. Il est bien certain que je mourais de faim et de lassitude. Elle me conduisit dans un pavillon fort délabré où il y avait deux chaises de paille, une table chargée de mets assez rustiques et une vieille causeuse couverte d’indienne déchirée. Par compensation, le vin du cru est bon et la vue magnifique.

La Muiron s’assit vis-à-vis de moi, en personne habituée à manger avec les maîtres, et me fit les honneurs, tout en reprenant son bavardage. J’appris d’elle qu’après la mort du cher Octave, madame avait toujours résidé près de sa belle-mère aux environs de Vaucluse, mais que ces deux femmes, tout en s’estimant beaucoup, ne pouvaient se consoler l’une par l’autre. La mère est une âme forte et rigide en qui la douleur s’est changée en dévotion. Elle se soutient par la prière, par des pratiques minutieuses ; elle est toute à l’idée du devoir et du salut. Il paraît que cela s’accorde en elle avec le goût du monde, qu’elle appelle respect des convenances et né-