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nent à ses amples vêtements l’élégance chaste des draperies antiques.

Je n’avais jamais vu ses pieds ni remarqué ses mains. Ce sont des modèles, des perfections. Enfin, c’est tout un idéal que cette femme. Mais notre fou de Daniel avait raison de nous dire, dans son jargon, que c’était un poëme pour ravir l’âme, et non un être pour émouvoir les sens.

La vieille fille revint avec un thé sur un plateau. Elle approcha une petite table verte et causa avec sa maîtresse un instant, pendant que je me disposais à partir ; mais j’étais emprisonné dans une sorte d’impasse. Il me fallait traverser l’endroit même où déjeunait madame de Monteluz, ou couper à travers les buissons, ce qui eût pu lui sembler extraordinaire. Je pris le parti d’aller la saluer en me retirant ; mais elle m’arrêta au passage par une politesse qui me jeta dans le plus grand étonnement.

Comme elle me rendait mon salut d’un air qui ne témoignait ni surprise ni mécontentement, je me hasardai à lui demander pardon de mon importunité. Je crus rêver quand elle me répondit sans embarras ni circonlocution :

— C’est moi, monsieur, qui vous demande pardon de n’avoir pas fait attention à vous ; mais j’ai perdu ici l’habitude de me conduire en maîtresse de maison. Cette