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exagéré. Elle prétend ainsi ne le jamais quitter sur ses vêtements ni dans sa vie, et s’arranger pour n’affliger les yeux de personne. Je sais beaucoup d’autres choses sur elle, grâce au babil d’une suivante vieillotte qui m’a pris en amour. Dieu sait pourquoi.

Ce que mes yeux seuls m’ont appris bien clairement, c’est qu’elle est frappée sans remède. Je craignais d’abord qu’elle ne fût folle ; tu sais ma terreur des fous ! et, pendant quelques instants, je me suis senti fort mal à l’aise ; mais sa bizarrerie m’a paru très-compréhensible, et même très-logique, dès que je me suis trouvé dans son intimité.

Car nous voilà très-liés en quarante-huit heures, et c’est si singulier, qu’il faut que je te le raconte. Ça ne ressemble à rien de ce qui peut arriver dans le monde auquel elle appartient et auquel j’ai appartenu ; et il faut une disposition exceptionnelle comme celle de son âme malade, pour que notre connaissance se soit faite ainsi.

La suivante, Toinette, est dévouée à sa manière. À tout prix, elle voudrait la distraire et la consoler, fallût-il la compromettre et la perdre ; mais, quand je serais d’humeur à profiter de ce beau zèle, une vertu qui prend sa source dans le cœur même se défendrait, je crois, sans péril, contre toutes les duègnes et toutes les sérénades de l’Espagne et de l’Italie.

Ladite Toinette, lorsque sa maîtresse entra dans le