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— Monsieur croit plaisanter, répondit-elle en souriant aussi. Ce titre m’appartient : je sors d’une famille espagnole, mes parents étaient nobles.

— Soit ! mais, en admettant que je n’aie pas le cœur libre, — et, d’ailleurs, n’ayez pas tant de sollicitude pour moi, — quel danger supposez-vous donc pour votre maîtresse à ce que je la voie passer ou s’asseoir dans le jardin, ou regarder par-dessus sa haie, à supposer que j’aie besoin de votre protection pour satisfaire cette fantaisie ?

— Oh ! pour elle, il n’y en a aucun, malheureusement peut-être ; car, si elle pouvait remarquer que vous êtes beau et bien fait, que vous avez un son de voix enchanteur et des manières parfaites, elle serait à moitié sauvée ; mais elle ne vous verrait peut-être seulement pas, tout en ayant les yeux attachés sur vous.

— Eh bien, alors ! À quelle heure se lève-t-elle ? quand met-elle la tête à sa fenêtre ?

— Elle n’a pas d’heure. Mais écoutez, monsieur le mystérieux ! je sais tout, car je devine tout.

— Quoi donc ? s’écria d’Argères stupéfait.

— Vous êtes amoureux de madame, amoureux depuis longtemps. Vous la connaissez. Vous n’êtes pas venu ici par hasard. Vous me questionnez, non pas pour apprendre ce qui la concerne dans le passé, mais pour entendre parler d’elle, pour savoir si elle revient un peu de son désespoir. Enfin, depuis une heure, vous vous moquez