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— S’il eût aimé, il se fût instruit pour être digne d’une femme comme votre Laure.

— S’il eût pensé devoir le faire, il l’eût fait. Mais il n’y songea point, et, comme ma Laure n’y songea point non plus, il resta comme il était. Quand le temps d’épreuves parut devoir être fini, mademoiselle avait dix-huit ans. Les deux amants se revirent sous les yeux de la mère, à Paris. Octave pleura, Laure s’évanouit. En reconnaissant que cette passion n’avait fait que grandir, madame de Monteluz fut bien embarrassée. Son fils était trop jeune pour se marier. Elle voulait qu’il eût au moins vingt ans. Laure devait-elle attendre jusque-là pour s’établir ? Laure jura qu’elle attendrait, et elle attendit. Madame de Monteluz fit voyager son fils, et resta à Paris, où elle conduisit mademoiselle dans le monde, disant et pensant toujours, la noble dame, qu’elle ne devait pas éviter, mais chercher, au contraire, l’occasion de faire connaître à sa pupille les avantages de sa fortune, les bons partis où elle pouvait prétendre et les hommes qui pouvaient lui faire oublier son ami d’enfance. Tout cela fut inutile. Mademoiselle passa à travers les bals et les salons comme une étoile. Elle y fut remarquée, admirée, adorée… C’est là que monsieur a dû la rencontrer.

Cette question fut lancée avec un éclair de pénétration subite qui fit sourire d’Argères.