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château près de Vaucluse, où la marquise vint se fixer, et les deux enfants étaient inséparables. Octave était si doux, si complaisant, si grand, si fort, si beau, si bon ! Quand mademoiselle eut douze ans, malgré qu’elle fût l’innocence même, et qu’elle parlât de son petit mari avec la même idée qu’une sœur peut avoir pour son frère, madame de Monteluz me dit :

» — Ma chère Muiron, ces enfants s’aiment trop. Voici le moment où cette amitié peut nuire à leur repos, à leur raison, à leur réputation même. Laure étant plus riche que mon fils, on ne manquera pas de dire que je l’élève dans la pensée de faire faire un bon mariage à Octave et que je l’accapare à notre profit. Il faut qu’elle passe quelques années au couvent, loin de nous, qu’elle apprenne à se connaître, à s’apprécier elle-même. Quand elle sera en âge de se marier, elle n’aura pas été influencée, car elle aura eu le temps d’oublier ; elle sera libre, et si, alors, elle aime encore mon fils, ce sera tant mieux pour mon fils. Je n’aurai rien à me reprocher. »

» Ce plan était bien sage, mais il ne pouvait pas être compris par ces pauvres enfants, qui se quittèrent avec des larmes déchirantes. Vous eussiez dit, monsieur, la séparation de Paul et de Virginie. Madame de Monteluz eut une fermeté dont je ne me serais pas sentie capable pour ma part. Elle me recommanda même de ne pas parler trop souvent de son Octave à ma Laure ; car je