Page:Sand - Adriani.djvu/264

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il ne songea pas à se dire que, pour inspirer tant de confiance, il fallait être, comme talent et comme caractère, aussi capable que lui de la justifier.

Le jour du début arriva. Adriani était tranquille et maître de lui-même, mais mortellement triste au fond du cœur. Il n’avait pas eu à organiser son succès. La direction même n’avait pas eu lieu de s’en préoccuper. Le monde entier, comme s’intitule la société parisienne, accourait de lui-même, prévenu d’avance en faveur de l’artiste, résolu à le soutenir en cas de lutte, curieux aussi de le voir sur les planches, et avide de pouvoir dire, en cas de succès : « C’est moi qui le protège. » La jeunesse dilettante qui envahit ce vaste parterre savait l’histoire d’Adriani, sa récente fortune, sa ruine, sa résignation, sa conduite envers Descombes ; car, en dépit de tous ses soins, la vérité s’était déjà fait jour. On connaissait donc son caractère, et l’on s’intéressait à l’homme avant d’aimer l’artiste.

La musique de Lucie est facile, mélodique, et porte d’elle-même le virtuose. Un grand attendrissement y tient lieu de profondeur. Cela se pleure plutôt que cela ne se chante, et, en fait de chant, le public aime beaucoup les larmes. Adriani, dont les moyens étaient immenses, ne redoutait point cette partition, et savait qu’il n’y avait pas à y chercher autre chose que l’interprétation de cœur trouvée par Rubini. Il savait aussi que le