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vait une véritable répugnance pour la profession qu’il allait embrasser.

Cela tenait-il à un préjugé fortement ancré dans les mœurs de sa caste, dans sa dévote famille particulièrement ? Avait-elle sucé ce préjugé avec le lait et le conservait-elle, à son insu, tout en méprisant les préjugés en général ? N’était-ce pas plutôt un résultat de son caractère concentré, modeste, un peu sauvage, qui lui faisait regarder avec effroi et dégoût les provocations du talent à l’applaudissement de la foule ? Il est certain qu’elle faisait mystère du sien propre, qu’elle adorait la discrétion de celui d’Adriani vis-à-vis du vulgaire, et qu’elle lui avait dit vingt fois, quand il s’était défendu d’égaler les grands chanteurs de notre époque :

— Ah ! laissez, laissez ! des acteurs ! Ils ont tout donné à tout l’univers ! Il ne leur reste plus rien dans l’âme pour ceux qui les aiment !

Laure se trompait. Les vrais grands artistes ont en réserve des diamants cachés, dont la mine est inépuisable ; mais elle ne les avait pas assez fréquentés pour le savoir, et elle était d’ailleurs disposée à une tendre jalousie dans l’art comme dans l’amour.

Et puis, quelle lutte il lui faudrait engager avec sa famille pour s’attacher à la destinée d’un comédien, puisque déjà elle était presque maudite par sa belle-mère, pour s’être affectionnée envers le moins comédien de