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somme relativement immense. Il était là dans sa partie et fort de sa propre expérience. Le vie modeste et facile du compositeur qui avait chanté gratis sa musique n’avait plus rien de possible. Il lui faudrait donner des concerts et courir le monde, non plus en amateur, mais en homme qui spécule sur les amitiés et les relations honorables formées en d’autres temps. Ce moyen lui parut non-seulement gros d’humiliations, mais encore précaire. Il s’était donné, prodigué généreusement. Bien peu de gens sont assez reconnaissants pour payer, après coup, le plaisir qu’ils ont eu pour rien. La moindre réclamation directe à cet égard serait odieuse à un homme de son caractère. Les plus nobles virtuoses ne se dissimulent pas qu’un concert est un impôt prélevé sur la bourse de chacune de leurs connaissances et qu’il n’y faut pas revenir trop souvent, ou se résigner à ne pas voir sourire tous les visages à la présentation des billets qu’on n’ose pas refuser. D’ailleurs, Adriani ne savait pas et ne saurait jamais organiser lui-même un succès rétribué. Fort peu de gens comprennent et cherchent le génie ; il faut les éblouir par une certaine mise en scène pour les attirer. Le pouf était aussi inconnu qu’impossible à Adriani.

Une seule porte s’ouvrait devant lui, celle du théâtre. Là, le succès est tout organisé d’avance, dans un but collectif, pour tout artiste dont la valeur est cotée aux