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quand Octave me disait : « Viens jouer, ma pauvre Laure ! » je le suivais sans résistance et je renfermais ma tristesse pour ne pas la lui faire partager. Tout est là, voyez-vous ! Quand on est aimant, on ne trouve sa propre énergie que dans le désir de complaire aux autres. Abandonné à soi-même et certain de souffrir seul, on succombe ! Quand on a bien reconnu que les encouragements de la froide raison n’expriment que l’impatience et la lassitude de voir souffrir, on apprend à se contenir, on prend l’extérieur de la résignation, et on se dévore soi-même. Voilà ce que vous avez fait de moi ! un être tranquille et silencieux, qui vit au dedans et qui est forcé d’éclater ou de périr. Et, pendant mon long amour pour Octave, n’avez-vous pas travaillé sans relâche à m’ôter le seul rêve de bonheur auquel je me fusse attachée ? C’est votre résistance qui a fait la force et la durée de cet amour. Pendant mon union avec lui, vous m’avez vue souffrir d’une terreur affreuse ; quelquefois j’ai osé vous dire :

» — Je crois qu’il ne m’aime pas !

» Il m’aimait pourtant, mais il n’était pas tout entier à l’affection, et la vie d’intérieur lui était impossible. C’est vous qui l’aviez formé à ce mépris du foyer domestique, ne redoutant pour lui aucun danger, n’admettant pas que la société d’un fils ou d’un époux fût nécessaire à sa mère ou à sa femme ! Mes inquiétudes pour sa vie