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j’ai souffert depuis mon enfance. Vous n’avez jamais voulu vous douter de cela, vous qui ne pouvez pas souffrir ! Vous n’avez jamais vu que je mourais, enfant, de la mort de ma mère. Jamais vous n’avez eu une larme pour celle qui était votre sœur, et cette insensibilité ou cette force faisait de vous, à mes yeux, un objet d’épouvante, une puissance incompréhensible. Quand vous me faisiez dire mes prières, à genoux devant vous, comme m’y voilà encore, les sanglots m’étouffaient. Vous preniez mon mouchoir, vous le passiez rudement sur ma figure inondée, et vous me disiez :

» — Ne pleurez pas, enfant ! c’est mal, puisque votre mère est au ciel !

» Vous aviez raison ; mais les enfants ont besoin de tendresse. C’est leur religion, à eux, et vous m’eussiez fait plus de bien en me pressant sur votre cœur et en mêlant une de vos larmes aux miennes, qu’en brisant mes genoux et en écrasant ma sensibilité dans la prière. Vous n’avez jamais eu pour moi la douce assistance de la pitié, plus féconde, croyez-moi, que les remontrances du courage. On ne fortifie qu’en aidant, en prenant sur soi une part du fardeau des affligés. Vous me laissiez tout porter en me criant :

» — Délivre-toi toi-même !

» Oh ! jamais une caresse ! jamais une plainte ! Aussi n’étais-je pas exigeante en fait de commisération, et,