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Je ne m’en effrayais pourtant pas : j’y étais si bien résolu ! Soyez bénie, si cette fuite ne cache pas le désir de m’échapper pour toujours.

— Ma fuite ne cache rien, répondit Laure. N’avez-vous pas reçu ma lettre ? Je n’ai jamais fait un pas ni dit un mot qui cachât quelque chose ; ne le savez-vous pas ?

— Oui, je le sais. J’ai tort de parler comme je le fais. Je vous comprends, je vous connais, et c’est pour cela que je vous adore. Vous avez cru devoir me détacher de vous et m’y aider. Vous savez, Laure, que je n’accepte pas votre opinion sur vous-même. Déterminé plus que jamais à la combattre, me voilà à vos pieds. Il faut bien que vous m’y laissiez jusqu’à ce que votre amitié pour moi devienne de l’amour ou de l’aversion. Quant à moi, je n’accepterai qu’un seul arrêt de vous : celui de la haine ou du mépris.

— Celui-là n’arrivera jamais, Adriani. Il m’est aussi impossible de croire que vous me deviendrez odieux, qu’il m’est impossible de savoir si je partagerai votre passion. Dans cette incertitude, mon rôle vis-à-vis de vous peut-il se prolonger ? Voulez-vous donc que, moi qui n’ai qu’une vertu, celle de la franchise, j’accepte le personnage d’une coquette, et que j’entretienne des espérances peut-être mal fondées ? Quittez-moi et donnez-moi du temps, voilà ce que je vous ai demandé, ce que je vous demande encore.