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puissance d’abnégation, son instinct de fidélité lui eussent fait accepter l’éternel veuvage d’un époux vivant. Quand ce deuil devint celui d’un mort, elle ne se souvint pas de déceptions qu’elle ne s’était point encore avouées ; mais un fait subsista dans son passé : c’est qu’elle n’avait connu ni l’amour ni le bonheur, et qu’elle pleura naïvement des biens qu’elle n’avait jamais possédés.

L’amour d’Adriani lui apportait donc tout un monde de révélations qu’elle n’avait pas pressenties. Par lui, elle pouvait être initiée à sa propre énergie, qu’elle ignorait et qui avait toujours été refoulée en elle par la crainte de faire souffrir Octave. Quand Octave l’avait vue triste, il s’était affecté et effrayé jusqu’à en avoir des attaques de nerfs, mais sans comprendre comment il avait pu être la cause de sa tristesse. C’est Laure qui avait dû le rassurer, le consoler, l’égayer et le presser de retourner à ses forêts et à ses étangs.

Adriani ne s’était pas senti inquiet du passé de Laure. Quelques mots échappés à Toinette avaient suffi pour lui ôter tout sentiment de jalousie à propos de l’époux regretté. Il comprenait fort bien qu’il ne lui serait pas difficile d’aimer mieux et de donner plus de bonheur ; mais il fallait que Laure consentît à le mettre à l’épreuve, et là se rencontra une résistance qu’il n’avait pas prévue si énergique dans une âme si éprouvée et si fatiguée.

Nous croyons pouvoir aimer cependant que ce déses-