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Elle était cependant poëte, en ce sens qu’elle était toute poésie, et Adriani avait trouvé le vrai mot pour la peindre : elle avait l’aspect tranquille et puissant d’une muse rêveuse. Mais sa rêverie perpétuelle, même dans le temps où elle vivait sans douleur, était une sorte d’extase d’amour, une absorption constante dans la plénitude du cœur. Il est des êtres ainsi faits, des êtres extraordinairement intelligents, qui ne sont intelligents que parce qu’ils sont aimants. Constatons-le, au risque de tomber dans l’esprit critique de notre siècle et de disséquer un peu trop l’être humain : le sentiment et la pensée, l’affection, la raison, l’imagination deviennent une seule et même faculté dans leur action sur une âme saine ; mais l’initiative appartient toujours à l’un de ces principes, et, pour parler tout simplement, les plus belles natures, selon nous, sont celles qui commencent par aimer, et qui mettent ensuite leur sagesse et leur poésie d’accord avec leur tendresse.

Laure, intelligente et forte, n’avait pas seulement besoin d’aimer. Enfant, elle avait pleuré sa mère avec un désespoir au-dessus de son âge. L’amitié de son cousin Octave, enfant comme elle, avait été son refuge.

Elle l’avait chéri comme si l’esprit de cette mère eût passé en lui. De là une habitude et une nécessité d’aimer Octave qui eurent quelque chose de fatal et aux-