Page:Sand - Adriani.djvu/120

Cette page n’a pas encore été corrigée

moi de me sentir indigne d’être si bien aimée. Oui, oui ! je sais ce que vous souffririez de la disproportion de nos sentiments. Ah ! ceux qui se laissent aimer…

— Que voulez-vous dire ?

— Rien ; ne m’interrogez pas ; ne réveillons pas ma mémoire ; ne songeons pas trop non plus à l’avenir. J’ai peur de tout ce qui n’est pas le moment où je vis. Je vis si rarement ! En ce moment-ci, je vis, grâce à vous ; je crois au tendre intérêt, aux sollicitudes infinies, à l’immense dévouement ; cela suffît à me faire un bien immense. Soyez donc béni, et que le côté le plus sublime de votre attachement pour moi soit satisfait et récompensé. Je peux vous dire que je guérirai peut-être, ou tout au moins que je veux, que je désire guérir. Voilà tout le baume que, quant à présent, vous pouvez verser sur ma blessure. Davantage serait trop. J’y succomberais peut être. Je n’ai pas la force de regarder le ciel, moi dont les yeux ne peuvent pas même supporter l’ombre. Je deviendrais aveugle ; j’éclaterais comme l’argile à un feu trop ardent. Quittez-moi, et dites-moi seulement que ce n’est pas pour toujours ! Toujours ! c’est une idée affreuse, c’est comme la mort ! Quand j’ai cru, ce soir, que je ne vous reverrais plus… je l’ai cru deux fois : d’abord dans une sorte d’hallucination, pendant que Toinette s’était absentée, et puis tout à l’heure avec une lucidité plus cruelle, quand vous êtes sorti… eh bien,