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pas de moi ; ne voyez en moi que le médecin sérieux de votre noble intelligence ébranlée. Je ne veux pas souffrir de mon rôle : j’ai la foi. Quand même je souffrirais, d’ailleurs ! Je ne suis pas sans courage, et je vous dis pour vous rassurer : Sachez que je souffrirais davantage si je vous quittais maintenant.

Il lui parla encore avec effusion et trouva l’éloquence du cœur pour la convaincre. Elle l’écouta sans lui imposer silence, sans relever sa tête, qu’il avait attirée sur son épaule, sans exprimer, sans ressentir le moindre doute sur la sincérité et la force du sentiment qu’il exprimait. Il y eut même un instant où, bercée par le son de sa voix, elle ferma les yeux et l’entendit comme dans un rêve. D’Argères avait gagné en partie la cause qu’il plaidait : elle avait foi en lui.

Mais elle ne pouvait retrouver si vite la foi en elle-même, et, se relevant doucement, elle lui dit avec un sourire déchirant :

— Oui, vous êtes grand, vous êtes vrai, vous êtes jeune, pur et bon. J’accepte de vous la sainte amitié ; je voudrais pouvoir accepter le divin amour ! Eh bien, je me suis interrogée en vous écoutant, et chacune de vos paroles m’a éclairée sur moi-même. Je ne peux pas accepter une si noble passion, et, pour qu’elle s’efface en vous, pour que l’amitié seule me reste, il faut que nous nous quittions pour longtemps. Vous souffririez près de