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comme fait ma belle-mère, qui me dit que je nourris ma douleur parce que j’aime ma douleur. Non, non, personne n’aime la souffrance ! tous les êtres la fuient. J’ai voulu, j’ai souhaité guérir ; je le voudrais encore si j’espérais en venir à bout. J’ai obéi à toutes les prescriptions physiques et morales. J’ai écouté le prêtre et le médecin. J’ai recouvré la santé du corps, et croyez bien que ce n’est pas sans peine et sans un mortel ennui que j’ai pu suivre un régime et consacrer du temps à me cultiver comme une plante précieuse, quand je me sentais pour jamais privée de soleil et de parfums. On me disait : « Guérissez le corps, la santé morale reviendra ?» Quelle santé morale ? La résignation ? On en a de reste devant les maux accomplis et sans remède. La soumission aux volontés de Dieu ? Comment pourrais-je me révolter contre ce qui m’a écrasé ? Tenez, on succombe à cette guérison-là. Elle s’est faite en moi, et pourtant j’entre toute vivante dans les ténèbres de la mort. Je me porte bien et je perds mes facultés. Ma volonté m’échappe, mes forces intellectuelles s’émoussent. Je ne souffre même plus, je m’ennuie !

— Alors, dit d’Argères profondément attristé, vous ne voulez plus lutter ? Vous n’essayerez plus rien pour sauver votre âme ?

— Je n’ai pas dit cela, reprit-elle, je ne le dirai jamais. Je crois à la bonté sans bornes de Dieu ; mais