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CONSUELO.

encore tombés si bas dans l’estime des hommes de bien qu’il vous plaît de le croire ; car il est certain que le comte veut m’épouser, et que je viens ici vous demander votre agrément pour y consentir, ou votre protection pour m’en défendre.



Voilà mon plus beau volkameria desséché. (Page 208.)

— Consuelo, répondit le Porpora d’un ton froid et sévère, je n’aime point ces sottises-là. Vous devriez savoir que je hais les romans de pensionnaire ou les aventures de coquette. Jamais je ne vous aurais crue capable de vous mettre en tête pareilles billevesées, et je suis vraiment honteux pour vous d’entendre de telles choses. Il est possible que le jeune comte de Rudolstadt ait pris pour vous une fantaisie, et que, dans l’ennui de la solitude, ou dans l’enthousiasme de la musique, il vous ait fait deux doigts de cour ; mais comment avez-vous été assez impertinente pour prendre l’affaire au sérieux, et pour vous donner, par cette feinte ridicule, les airs d’une princesse de roman ? Vous me faites pitié ; et si le vieux comte, si la chanoinesse, si la baronne Amélie sont informés de vos prétentions, vous me faites honte ; je vous le dis encore une fois, je rougis de vous. »

Consuelo savait qu’il ne fallait pas contredire le Porpora lorsqu’il était en train de déclamer, ni l’interrompre au milieu d’un sermon. Elle le laissa exhaler son indignation, et quand il lui eut dit tout ce qu’il put imaginer de plus blessant et de plus injuste, elle lui raconta de point en point, avec l’accent de la vérité et la plus scrupuleuse exactitude, tout ce qui s’était passé au château des Géants, entre elle, le comte Albert, le comte Christian, Amélie, la chanoinesse et Anzoleto. Le Porpora, qui, après avoir donné un libre cours à son besoin d’emportement et d’invectives, savait, lui aussi, écouter et comprendre, prêta la plus sérieuse attention à son récit ; et quand elle eut fini, il lui adressa encore plusieurs questions pour s’enquérir de nouveaux détails et pénétrer complètement dans la vie intime et dans les sentiments de toute la famille.

« Alors !« lui dit-il enfin, tu as bien agi, Consuelo. Tu as été sage, tu as été digne, tu as été forte comme je devais l’attendre de toi. C’est bien. Le ciel t’a protégée, et il te récompensera en te délivrant une fois pour toutes de cet infâme Anzoleto. Quant au jeune comte, tu n’y dois pas penser. Je te le défends. Un pareil sort ne te convient pas. Jamais le comte Christian ne te permettra