Page:Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 7, 1854.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
JEAN ZISKA.

horreur la pensée de l’hérésie, mais qu’il fut séduit par deux jeunes gens arrivés d’Angleterre, sous prétexte de prendre ses leçons. On raconte même à ce sujet une anecdote qui ressemble fort à une légende. Mais la poésie des traditions a son importance historique ; elle donne, mieux parfois que l’histoire, l’idée des mœurs et des sentiments d’une époque : enfin elle ajoute la couleur au dessin souvent bien sec de l’histoire, et à cause de cela, elle ne doit pas être méprisée.



Et le fit attacher à une machine de guerre… (Page 3.)

Nos deux écoliers wickléfistes prièrent donc Jean Huss, leur maître et leur hôte, de leur permettre d’orner de quelques fresques le vestibule de sa maison. « Ce qu’ayant obtenu, ils représentèrent, d’un côté, Jésus-Christ entrant à Jérusalem sur une ânesse, suivi de la populace à pied ; et, de l’autre, le pape monté superbement sur un beau cheval caparaçonné, précédé de gens de guerre bien armez, de timbaliers, de tambours, de joueurs d’instruments, et des cardinaux bien montez et magnifiquement ornez. » Tout le monde alla voir ces peintures, « les uns admirant, les autres criminalisant les tableaux. »

Jean Huss aurait donc été frappé de l’antithèse ingénieuse que cette image lui mettait sous les yeux à toute heure. Il aurait médité sur la simplicité indigente du divin maître et de ses disciples, les pauvres de la terre et les simples de cœur ; sur la corruption et le luxe insolent de l’autocratie catholique, et il se serait décidé à lire Wicklef. Aussitôt qu’il se fut mis à le répandre et à l’expliquer, de nombreuses sympathies répondirent à son appel. La Bohême avait bien des raisons pour abonder dans ce sens sans se faire prier. D’abord, comme nous l’avons déjà dit plus haut, la haine du joug étranger, puis celle du clergé qui la pressurait et la rongeait affreusement. Dans le peuple fermentait depuis longtemps un levain de vengeance contre les richesses des couvents ; les récits qu’on a faits de ces richesses ressemblent à des contes de fées. La doctrine des Vaudois avait depuis longtemps pénétré dans les montagnes de la Moravie. On dit même que lors de la persécution que leur fit subir Charles v, à l’instigation du pape Grégoire xi, Pierre Valdo en personne était venu finir ses jours en Bohême. Les lolhards de Bohème dont le nom ressemble bien à celui des lollards d’Angleterre, étaient originaires d’Autriche. Un de leurs chefs, brûlé à Vienne en 1322, avait déclaré qu’ils étaient plus de huit mille en Bohême. Les historiens con-