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HORACE.

sa casquette rouge, qu’il garda comme une relique, et il ne put savoir si son ami était parmi les prisonniers. Plus tard, le procès qu’on instruisait contre les victimes n’amena aucune découverte, car il n’y fut pas fait mention de Laravinière. Ses amis le pleurèrent, et se réunirent pour honorer sa mémoire par des discours et des chants funèbres, dont l’un d’eux composa les paroles et un autre la musique.



Il débuta par le rôle d’un valet fripon et battu. (Page 90.)

Ils m’écrivirent à cette occasion pour me demander si je n’avais pas de nouvelles de Paul Arsène, et c’est ainsi que j’appris que lui aussi avait disparu. J’écrivis à ses sœurs, qui n’étaient pas plus avancées que moi. Louison nous répondit une lettre de lamentations où elle exprimait assez ingénument sa tendresse intéressée pour son frère. Elle terminait en disant : « Nous avons perdu notre unique soutien, et nous voilà forcées de travailler sans relâche pour ne pas tomber dans la misère. »

Pendant que nous étions tous livrés à ces perplexités, auxquelles Horace n’avait guère le loisir de prendre part, bien qu’il donnât des regrets sincères à Jean et à Paul quand on l’y faisait songer, Paul entrait en convalescence dans la mansarde ignorée de la pauvre Marthe. Celle-ci commençait à sortir, et s’était assurée de la tranquillité qui régnait enfin dans le quartier. Bien que les voisins des mansardes eussent quelque soupçon d’un patriote réfugié chez elle, ce secret fut religieusement gardé, et la police ne surveilla pas ses mouvements. Cependant il était bien important qu’Arsène, dès qu’il voudrait sortir, changeât de quartier, et s’éloignât d’un lieu où certainement sa figure avait été remarquée dans les barricades et dans la maison mitraillée. Il ne pourrait se montrer trois fois dans les rues environnantes sans que des témoins malveillants ou maladroits fissent sur lui tout haut des remarques qu’une oreille d’espion pouvait saisir au passage. Il résolut donc d’aller demeurer à l’autre extrémité de Paris. La difficulté n’était pas de sortir de sa retraite : il commençait à marcher, et, en descendant le soir avec précaution, il était facile de s’esquiver sans être vu. Mais il n’osait pas abandonner Marthe, dans l’état de misère où elle se trouvait, aux persécutions d’un propriétaire qu’elle ne pouvait pas payer, et qui, en vérifiant l’état des lieux, remarquerait certainement l’effraction de la fenêtre ; alors ce créancier courroucé livrerait peut-être Marthe aux poursuites de la police. Enfin,