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HORACE.

le genre d’Horace, que je n’en ai vu dans celui de l’Étudiant esquissé par l’écrivain que j’ose ici contredire.



On le reconnaissait à son chapeau pointu. (Page 18.)

Celui dont j’ai maintenant à vous faire le portrait, Jean Laravinière, était un grand garçon de vingt-cinq ans, leste comme un chamois et fort comme un taureau. Ses parents ayant eu la coupable distraction de ne pas le faire vacciner, il était largement sillonné par la petite-vérole, ce qui était, pour son bonheur, un intarissable sujet de plaisanteries comiques de sa part. Quoique laide, sa figure était agréable, sa personne pleine d’originalité comme son esprit. Il était aussi généreux qu’il était brave, et ce n’était pas peu dire. Ses instincts de combativité, comme nous disions en phrénologie, le poussaient impétueusement dans toutes les bagarres, et il y entraînait toujours une cohorte d’amis intrépides, qu’il fanatisait par son sang-froid héroïque et sa gaieté belliqueuse. Il s’était battu très-sérieusement en juillet ; plus tard, hélas ! il se battit trop bien ailleurs.

C’était un tapageur, un bambocheur, si vous voulez ; mais quel loyal caractère, et quel dévouement magnanime ! Il avait toute l’excentricité de son rôle, toute l’inconséquence de son impétuosité, toute la crânerie de sa position. Vous eussiez pu rire de lui ; mais vous eussiez été forcé de l’aimer. Il était si bon, si naïf dans ses convictions, si dévoué à ses amis ! Il était censé carabin, mais il n’était réellement et ne voulait jamais être autre chose qu’étudiant émeutier, bousingot, comme on disait dans ce temps-là. Et comme c’est un mot historique qui s’en va se perdre, si l’on n’y prend garde, je vais tâcher de l’expliquer.

Il y avait une classe d’étudiants, que nous autres (étudiants un peu aristocratiques, je l’avoue) nous appelions, sans dédain toutefois, étudiants d’estaminet. Elle se composait invariablement de la plupart des étudiants de première année, enfants fraîchement arrivés de province, à qui Paris faisait tourner la tête, et qui croyaient tout d’un coup se faire hommes en fumant à se rendre malades, et en battant le pavé du matin au soir, la casquette sur l’oreille ; car l’étudiant de première année a rarement un chapeau. Dès la seconde année, l’étudiant en général devient plus grave et plus naturel. Il est tout à fait retiré de ce genre de vie, à la troisième. C’est alors qu’il va au parterre des Italiens, et qu’il commence à s’habiller comme tout le monde. Mais un cer-