Page:Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 2, 1852.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
INDIANA.

ressant malade, et par quelle distraction il a pris le mur de mon parc pour l’avenue de ma maison.



Noun.

— Je l’ignore absolument, » répondit madame Delmare avec une froideur si pleine de fierté que son terrible époux en fut comme étourdi un instant ; mais revenant bien vite à ses soupçons jaloux :

« Je le saurai, Madame, lui dit-il à demi-voix ; soyez bien sûre que je le saurai… »

Alors, comme madame Delmare feignait de ne pas remarquer sa fureur, et continuait à donner des soins au blessé, il sortit pour ne pas éclater devant ses femmes, et rappela le jardinier.

« Comment s’appelle cet homme qui ressemble, dis-tu, à notre larron ?

M. de Ramière. C’est lui qui vient d’acheter la petite maison anglaise de M. de Cercy.

— Quel homme est-ce ? un noble, un fat, un beau monsieur ?

— Un très-beau monsieur, un noble, je crois…

— Cela doit être, reprit le colonel avec emphase, M. de Ramière ? Dis-moi, Louis, ajouta-t-il en parlant bas ; n’as-tu jamais vu ce fat rôder autour d’ici ?

— Monsieur… la nuit dernière… répondit Louis embarrassé, j’ai vu certainement… pour dire que ce soit un fat, je n’en sais rien ; mais à coup sûr, c’était un homme.

— Et tu l’as vu ?

— Comme je vous vois, sous les fenêtres de l’orangerie.

— Et tu n’es pas tombé dessus avec le manche de ta pelle ?

— Monsieur, j’allais le faire ; mais j’ai vu une femme en blanc qui sortait de l’orangerie et qui venait à lui. Alors je me suis dit : C’est peut-être monsieur et madame qui ont pris la fantaisie de se promener avant le jour, et je suis revenu me coucher. Mais ce matin j’ai entendu Lelièvre qui parlait d’un voleur dont il aurait vu les traces dans le parc, et je me suis dit : Il y a quelque chose là-dessous.

— Et pourquoi ne m’as-tu pas averti sur-le-champ, maladroit ?

— Dame ! Monsieur, il y a des arguments si délicates dans la vie…

— J’entends, tu te permets d’avoir des doutes. Tu es