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FRANÇOIS LE CHAMPI.

et débarrasser Madeleine de sa mauvaise amitié, il ne vint à l’idée de personne qu’il s’en fût jamais coiffé. Madeleine mêmement commença à croire la vérité là-dessus, ou à penser tout au moins qu’il était consolé. Elle reçut les adieux de Mariette avec son bon cœur accoutumé, mais comme cette jeunesse avait gardé une pique contre elle à cause du champi, elle vit bien qu’elle en était quittée sans regret ni bonté. Coutumière de chagrin qu’elle était, la bonne Madeleine pleura de sa méchanceté et pria le bon Dieu pour elle.



… La grosse Sévère tout endimanchée. (Page 38.)

Et quand ce fut au bout d’une huitaine, François lui dit tout d’un coup qu’il avait affaire à Aigurande, et qu’il s’en allait y passer cinq ou six jours, de quoi elle ne s’étonna point et se réjouit même, pensant que ce changement ferait du bien à sa santé, car elle le jugeait malade pour avoir trop étouffé sa peine.

Tant qu’à François, cette peine dont il paraissait revenu lui augmentait tous les jours dans le cœur. Il ne pouvait penser à autre chose, et qu’il dormît ou qu’il veillât, qu’il fût loin ou près, Madeleine était toujours dans son sang et devant ses yeux. Il est bien vrai que toute sa vie s’était passée à l’aimer et à songer d’elle. Mais jusqu’à ces temps derniers, ce pensement avait été son plaisir et sa consolation au lieu que c’était devenu d’un coup tout malheur et tout désarroi. Tant qu’il s’était contenté d’être son fils et son ami, il n’avait rien souhaité de mieux sur la terre. Mais l’amour changeant son idée, il était malheureux comme une pierre. Il s’imaginait qu’elle ne pourrait jamais changer comme lui. Il se reprochait d’être trop jeune, d’avoir été connu trop malheureux et trop enfant, d’avoir donné trop de peine et d’ennui à cette pauvre femme, de ne lui être point un sujet de fierté, mais de souci et de compassion. Enfin, elle était si belle et si aimable dans son idée, si au-dessus de lui et si à désirer, que, quand elle disait qu’elle était hors d’âge et de beauté, il pensait qu’elle se posait comme cela pour l’empêcher de prétendre à elle.

Cependant la Sévère et la Mariette, avec leur clique, commençaient à la déchirer hautement à cause de lui, et il avait grand’peur que le scandale lui en revenant aux oreilles, elle n’en prit de l’ennui et souhaitât de le voir partir. Il se disait qu’elle avait trop de bonté pour le lui demander, mais qu’elle souffrirait encore pour lui comme elle en avait déjà souffert, et il pensa à aller demander conseil