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FRANÇOIS LE CHAMPI.



Et le champi d’accourir et de se jeter à deux genoux devant son lit. (Page 29.)

XIV.

Une matinée M. le curé d’Aigurande vint comme pour se promener au moulin de Jean Vertaud, et il tourna un peu de temps dans la demeure, jusqu’à ce qu’il pût agrafer François dans un coin du jardin. Là il prit un air très-secret, et lui demanda s’il était bien François dit la Fraise, nom qu’on lui aurait donné à l’état civil où il avait été présenté comme champi, à cause d’une marque qu’il avait sur le bras gauche. Le curé lui demanda aussi son âge au plus juste, le nom de la femme qui l’avait nourri, les demeurances qu’il avait suivies, et finalement tout ce qu’il pouvait savoir de sa naissance et de sa vie.

François alla quérir ses papiers, et le curé parut fort content.

— Eh bien ! lui dit-il, venez demain ou ce soir à la cure, et gardez qu’on ne sache ce que j’aurai à vous faire savoir, car il m’est défendu de l’ébruiter, et c’est une affaire de conscience pour moi.

Quand François fut rendu à la cure, M. le curé, ayant bien fermé les portes de la chambre, tira de son armoire quatre petits bouts de papier fin et dit : François la Fraise, voilà quatre mille francs que votre mère vous envoie. Il m’est défendu de vous dire son nom, ni dans quel pays elle réside, ni si elle est morte ou vivante à l’heure qu’il est. C’est une pensée de religion qui l’a portée à se ressouvenir de vous, et il paraîtrait qu’elle a toujours eu quelque intention de le faire, puisqu’elle a su vous retrouver, quoique vivant au loin. Elle a su que vous étiez bon sujet, et elle vous donne de quoi vous établir, à condition que d’ici à six mois vous ne parlerez point, si ce n’est à la femme que vous voudriez épouser, du don que voici. Elle me charge de me consulter avec vous pour le placement ou pour le dépôt, et me prie de vous prêter mon nom au besoin pour que l’affaire soit tenue secrète. Je ferai là-dessus ce que vous voudrez ; mais il m’est enjoint de ne vous livrer l’argent qu’en échange de votre parole de ne rien dire et de ne rien faire qui puisse éventer le secret. On sait qu’on peut compter sur votre foi ; voulez-vous la donner ?

François prêta serment et laissa l’argent à M. le curé, en le priant de le faire valoir comme il l’entendrait ; car