Page:Sand - Œuvres illustrées de George Sand, 1855.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
JEANNE.



Jeanne, lui dit la jeune et gracieuse châteleine. (Page 48.)

— À la bonne heure, mam’selle Marie, répondit Jeanne en embrassant la main délicate de Marie, posée sur son épaule. Il aime à rire, ce monsieur ! C’est comme vous quelquefois, pas bien souvent ! aussi je suis contente quand je vous vois amuser un peu, ma chère mignonne demoiselle !

— Cela ne te fâche pas contre le monsieur anglais non plus, ma bonne Jeanne ?

— Oh ! non, Mam’selle ! Pourquoi donc que je me fâcherais ? Il n’a point l’air méchant, ce monsieur ; d’ailleurs il a eu soin de votre frère, et vous l’aimez !

— Trouves-tu qu’il ait l’air d’un brave homme ?

— Ça me semble que oui, Mam’selle. Dame ! je ne l’ai pas beaucoup regardé !

— Est-ce qu’il te faisait honte ?

— Oh ! non, je ne suis pas beaucoup honteuse, moi. Je sais que je ne peux pas bien parler, et je parle comme je peux.

— Est-ce qu’il t’a parlé, lui, l’Anglais ?

— Oui, quand j’apportais la crème pour son thé, je l’ai trouvé dans l’antichambre, qui se lavait les mains, et il m’a dit quelque chose ; mais je n’y ai rien compris du tout.

— C’était en anglais ?

— Je n’en sais rien, Mam’selle ; je n’en ai pas entendu un mot.

— Est-ce qu’il riait en te parlant ?

— Mais, non ! il avait l’air de croire que j’étais une fille d’Angleterre, comme vous le lui aviez dit.

— Et toi, riais-tu ?

— Non, Mam’selle. Je ne voulais pas rire, crainte de faire manquer votre amusement.

— Et il ne t’a pas dit un mot en français ?

— Non, mais il m’a pris la crème des mains, comme s’il ne voulait pas que je le serve, et il a mis une de mes mains contre sa bouche. Dame ! j’ai trouvé ça bien drôle ! Mais Cadet est arrivé, et avant que j’aie eu le temps de rire… vous savez que je ne ris pas bien vite !… le monsieur anglais s’en est retourné bien vitement dans le salon.

— Tu avais tes habits de paysanne dans ce moment-là ?

— Sans doute, puisque c’était après le souper.