Page:Sand - Œuvres illustrées de George Sand, 1855.djvu/211

Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
LES MISSISSIPIENS.



George Freeman.

LA MARQUISE.

De savonnette à vilain, vous voulez dire ? car le voilà comte décidément. Samuel Bourset, comte de Puymonfort ! Quel drôle de temps que celui-ci ! Enfin, c’est un homme qui a du savoir-faire que mon gendre, n’en dites pas de mal !

LE DUC.

Je n’en dis pas de mal, chère marquise ; c’est un homme habile et probe en même temps. Sa réputation est bien établie, et votre fille a fait sagement de l’épouser, quoiqu’il ne soit pas aimable.

LA MARQUISE.

Oh ! c’est que Julie est sage, trop sage peut-être !

LE DUC.

Plus sage que vous ne l’étiez à son âge, mon cœur !

LA MARQUISE, ironiquement.

Et plus que vous ne souhaiteriez.

LE DUC.

Vous plaît-il de vous faire comprendre ?

LA MARQUISE.

Ah ! vous comprenez de reste, perfide ! (Riant.) Vieux enfant, je sais de vos folies ! Julie m’a tout conté.

LE DUC.

Eh bien ! ça n’a pas dû lui coûter beaucoup de peine.

LA MARQUISE.

Elle en riait aux larmes, et moi aussi. Ah çà ! vous êtes donc devenu tout à fait fou de vouloir en conter à ma fille ?

LE DUC.

Votre fille est une coquette.

LA MARQUISE.

Et vous un fat. (Elle rit.)

LE DUC.

Ah ! vous voilà jalouse ? Il est temps de vous y prendre.

LA MARQUISE.

Vous savez bien que je ne l’ai jamais été ; j’aurais eu trop à faire avec vous !

LE DUC.

Cela vous eût donné la peine d’aimer.

LA MARQUISE.

Ah ! c’est joli ce que vous dites là ! Mais ce n’est pas vrai. Rappelez-vous que quand je fus ruinée par les sottises de mon mari, jeune encore et faite pour briller, je me retirai du monde sans dépit et sans tristesse, et que