Scène VI.
Ah ! j’en mourrai… Cet homme me ferait horreur !
Il t’aime beaucoup, mon enfant, et son empressement le rend indiscret. Il faudra lui apprendre à vivre et ce sera un excellent mari.
Et Léonce !…
Mes enfants, mes enfants ! ayez du courage !
Vous ne voulez pas qu’elle meure ? Vous ne la livrerez pas à ce rustre ! Ah ! Julie, je le tuerai plutôt !
Eh ! pour Dieu, ne parlez pas si haut, M. Bourset est ici près… J’entends sa voix.
Léonce, il faut nous séparer à jamais !
Est-ce vous qui l’ordonnez ?… Non, Julie, ce n’est pas toi !
Mon Dieu !
Ah ! c’est la grosse toux de ce Bourset ! Sauvez-vous, Léonce ! (Le chevalier se relève et veut tirer son épée.) Y songes-tu, malheureux enfant ? Veux-tu donc perdre ma fille ? Et vite ! et vite ! (Elle le pousse vers une des petites portes de dégagement. Bourset tousse encore.)
Julie !
Ne crains rien, Léonce ! Cache-toi, nous nous reverrons bientôt. Ma mère, je le veux, je veux lui dire adieu, une dernière fois, devant vous.
Mais cet homme !…
Ne crains rien, jamais, jamais !
Nous nous reverrons ? Oh ! dis-le-moi, ou je brave tout. Je ne puis te quitter ainsi !
Oui, nous nous reverrons ; la conduite de cet homme me pousse à bout.
Je vais le cacher dans ma chambre, car je suis sûre que Bourset nous espionne. (Elle sort avec le chevalier.)
Et revenez vite près de moi, ma mère, car il va venir m’obséder de sa présence.
Oh ! cette clef-là, votre mère l’a dans sa poche.
Quelle est cette inconvenante plaisanterie ? Je veux être seule avec ma mère, je vous l’ai déjà dit, Monsieur.
Je suis charmé que vous vous portiez mieux. Comme vous vous êtes promptement remise sur pied ! C’est merveille de voir comme les couleurs vous sont vite revenues.
Laissez-moi.
Là, là, je ne vous regarde seulement pas. Quelle mouche vous pique ?
Mais pourquoi m’enfermez-vous ainsi ? Nous n’avons rien à nous dire.
Si fait, si fait, nous avons à causer.
Je n’y suis nullement disposée.
Je suis sûr que vous l’êtes, au contraire, et que le nom seul de la personne dont j’ai à vous entretenir va vous donner de l’attention.
Que voulez-vous dire ?
Asseyez-vous.
Non ; dites tout de suite, je ne m’asseyerai pas.
À votre aise ! quant à moi, j’ai tant couru ces jours-ci pour vos cadeaux de noces que je n’en puis plus.
Oh ! quel supplice !…
Vous avez un parent qui vous intéresse ?
J’en ai plusieurs ; ma famille est nombreuse, et, quoique pauvre, elle est encore puissante, Monsieur.
Je le sais, c’est à cause de cela que j’ai voulu en faire partie ; ainsi donc vous avez, c’est-à-dire nous avons un cousin.
Eh bien ! que vous importe ?
Il m’importe beaucoup, parce que premièrement il est mon parent, et qu’en second lieu il est mon débiteur.
Votre débiteur ?
Il a eu le malheur d’emprunter, du vivant de M. le baron de Puymonfort, son père, qui ne lui donnait pas beaucoup d’argent (et pour cause), la somme de quatre cents et tant de louis à un capitaliste de mes amis, lequel m’a cédé sa créance pour se libérer envers moi d’une somme égale…
Abrégeons, Monsieur. Si c’est pour me parler d’affaires que vous me retenez ici contre ma volonté, le procédé est au moins bizarre ; et si le chevalier de Puymonfort, mon cousin, est votre débiteur, il s’acquittera envers vous : cela ne me regarde pas. Laissez-moi sortir.
Un petit moment, un petit moment ! ceci vous regarde plus que vous ne pensez. Le chevalier est insolvable.
Ma famille se cotisera pour ne rien vous devoir.
Ah ! bien oui ! votre famille !… Si entre vous tous vous aviez pu réunir cinq cents louis, vous ne m’auriez pas épousé.
C’est possible ! Après ?
Après !… comme j’ai droit à être payé, j’ai pris des sûretés, et voici une lettre de cachet que le ministre de