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LE SECRÉTAIRE INTIME.

figure lui plaise. Vous n’attendrez pas longtemps avant d’être enlevé dans sa voiture et introduit dans ses appartements secrets.



Il s’étendit sur la bruyère… (Page 28.)

— Eh bien ! raison de plus ! vive Dieu ! des femmes qui ont de pareils désirs et qui les contentent d’une façon si dégagée ne sont pas abordables pour tout le monde. On peut vivre dix ans sous le même toit sans obtenir de leur baiser la main. Elles peuvent résister au plus séduisant et au plus habile des hommes. On ne les prend pas par surprise, celles-là. Elles se donnent ou se rendent ; le plaisir est à celui dont la mine leur plaît ; l’honneur, à celui dont l’esprit les subjugue. Maintenant, je mettrais ma main au feu que le Lucioli n’a jamais été son amant. Il était trop maladroit, le cher homme ! Elle aurait pu lui ouvrir la porte du boudoir, s’il avait su cacher l’intention qu’il avait d’entrer dans la salle du conseil. Pour moi, qui ne me soucie guère d’être prince de Monteregale, je viserai plus haut désormais. Je tâcherai qu’elle me donne sa confiance, et qu’elle m’apprenne à régner sur les hommes par le mensonge.

— Ainsi ce qui me guérit de mon amour allume le vôtre ? dit Saint-Julien.

— Appelez cela de l’amour, si vous voulez. Je l’appellerai autrement : curiosité, aptitude, amour de la science, comme il vous plaira.

— Et ce qui fait que je la hais et la méprise vous réconcilie avec elle ?

— Complètement ; mais je n’en continuerai pas moins la petite guerre d’observation que nous lui faisons. Tout au contraire, j’y mettrai plus de zèle que jamais, et mes découvertes auront plus d’importance à mes yeux. Sois tranquille, Julien, je ne te trahirai jamais, quoi qu’il m’arrive.

— Vous pouvez me trahir tant qu’il vous plaira, je ne resterai pas longtemps ici. Mais écoutez ; avant que je vous souhaite le bonsoir, il faut que vous me racontiez cette histoire de Max.

— Ce ne sera pas long. Max était l’amant de Son Altesse. Lorsqu’à la mort du duc son époux, qu’elle n’a jamais vu, comme je vous l’ai déjà dit, elle devint souveraine libre et absolue, Max était tellement en faveur auprès d’elle que, suivant l’opinion de toute la cour, il allait l’épouser. Il était donc traité ici avec le plus profond respect, tout bâtard de seize ans qu’il était. Mais