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ÉDITION J. HETZEL



LE SECRÉTAIRE INTIME

NOTICE

Le Secrétaire intime est une fantaisie sans rime ni raison qui m’est venue en 1833, après avoir relu les Contes fantastiques d’Hoffman. Cela manque d’ensemble et atteste une grande inexpérience littéraire. La fable est-elle amusante ? L’imagination, à défaut de la vraisemblance, y trouve-t-elle son compte ? Mon point de vue a tellement changé, que je ne suis plus un juge impartial des essais de ma jeunesse.

Nohant, 13 octobre 1853.
GEORGE SAND.

I.

Par une belle journée, cheminait sur la route de Lyon à Avignon un jeune homme de bonne mine. Il se nommait Louis de Saint-Julien, et portait à bon droit le titre de comte, car il était d’une des meilleures familles de sa province. Néanmoins il allait à pied avec un petit sac sur le dos ; sa toilette était plus que modeste, et ses pieds enflaient d’heure en heure sous ses guêtres de cuir poudreux.

Ce jeune homme, élevé à la campagne par un bon et honnête curé, avait beaucoup de droiture, passablement d’esprit, et une instruction assez recommandable pour espérer l’emploi de précepteur, de sous-bibliothécaire ou de secrétaire intime. Il avait des qualités et même des vertus. Il avait aussi des travers et même des défauts ; mais il n’avait point de vices. Il était bon et romanesque, mais orgueilleux et craintif, c’est-à-dire susceptible et méfiant, comme tous les gens sans expérience de la vie et sans connaissance du monde.

Si ce rapide exposé de son caractère ne suffit point pour exciter l’intérêt du lecteur, peut-être la lectrice lui accordera-t-elle un peu de bienveillance en apprenant que M. Louis de Saint-Julien avait de très-beaux yeux, la main blanche, les dents blanches et les cheveux noirs.