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SIMON.

revenant ici, c’est fort bien et il a eu le droit de vous y traîner à sa suite ; mais la nature et la société, la voix de Dieu et celle du peuple, vous rappellent dans notre belle patrie. Avec vos talents, votre caractère viril et magnanime, votre courage héroïque, vous êtes appelée à y jouer un rôle actif…



« Bonjour, Italia ! » dit Fiamma. (Page 19.)

— Croyez-vous ? s’écria Fiamma, dont les yeux brillaient d’un feu sauvage. Ah ! s’il y avait quelque chose à faire pour la liberté ; si les seigneurs de nos campagnes, si les paysans de nos vallons, si le peuple de nos villes, pouvaient se réveiller ! Si seulement ces généreux bandits de nos Alpes, qui se retranchèrent dans les gorges des torrents pour fermer le passage aux soldats étrangers, et qui moururent tous jusqu’au dernier, comme les hommes des Thermopyles, plutôt que de subir un joug infâme ; si ces bandes héroïques de contrebandiers et de pâtres, auxquels il n’a manqué que des chefs à la fois puissants et fidèles, pouvaient se ranimer et sortir de leurs cendres éparses sous nos bruyères !… Mais quelles folies disons-nous ! Parlons d’autre chose, cousin ; cela me donne la fièvre.

— Eh bien ! ayons la fièvre, et parlons-en, ma Fiamma. Songe, noble soeur, qu’à force de parler de son mal on s’indigne contre sa faiblesse, on se lève et on marche. Sache que chaque jour, dans notre Italie, un patriote, à force de se plaindre comme nous, s’éveille et se tient prêt à nous suivre. Les paysans sont prêts, je te le dis, cousine. Les hommes des Alpes n’ont pas changé ; leur courage n’a pas plus faibli sous la verge autrichienne que les cimes de nos glaciers n’ont fondu au soleil. Il ne leur manque que des chefs qui s’entendent. Sait-on où s’arrêterait l’avalanche qu’une poignée d’hommes pourrait détacher ? Toi et moi et cinq ou six de nos amis qui sont résolus à me suivre et à m’obéir aveuglément, c’en serait assez pour entraîner la première masse.

— Ô Ruggier ! s’écria Fiamma en crispant la main qui tenait les rênes et en faisant cabrer son cheval, si vous disiez vrai, s’il y avait seulement une lueur d’espoir !… mais, hélas ! tout cela est un cauchemar. Il vous est permis de tenter de le réaliser ; mais moi, misérable ! ce détestable accoutrement de femme, qui me comprime le cœur, me force à rester là immobile, à faire de stériles vœux et à me déchirer les entrailles de colère !

— Tu seras parmi nous, Fiamma ! s’écria le marquis,