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LA DERNIÈRE ALDINI.



Et trois ou quatre grands chiens de chasse… (Page 26.)

— Et qui te dit que tu n’y viendras pas ?

— Alors il sera temps de me prêcher.

— Il sera trop tard, tu souffriras !

— Ah ! Cassandra, laisse-moi vivre ! »

Le lendemain, à sept heures du matin, j’errais lentement dans l’ombre des piliers de Santa-Maria. Ce rendez-vous était bien la plus grande imprudence que pût commettre ma jeune signora ; car ma figure était aussi connue de la plupart des habitants de Florence que la grande route aux pieds de leurs chevaux. Je pris donc les plus minutieuses précautions pour entrer dans la ville à la lueur incertaine de l’aube, et je me tins caché sous les chapelles, la figure plongée dans mon manteau, me glissant en silence et n’éveillant point, par le moindre frôlement, les fidèles en prières parmi lesquels je cherchais à découvrir la dame de mes pensées. Je n’attendis pas longtemps : la belle Lila m’apparut au détour d’un pilier ; elle me montra du regard un confessionnal vide dont la niche mystérieuse pouvait abriter deux personnes. Il y avait, dans le beau regard prompt et intelligent de cette jeune fille, quelque chose de triste qui m’alla au cœur ; je m’agenouillai dans le confessionnal, et, peu d’instants après, une ombre noire se glissa près de moi et vint s’agenouiller à mes côtés. Lila se courba sur une chaise entre nous et les regards du public, qui, heureusement, était absorbé en cet instant par le commencement de la messe, et se prosternait bruyamment au son de la clochette de l’introït.

La signora était enveloppée d’un grand voile noir, et ses mains le retinrent croisé sur son visage pendant quelques instants. Elle ne me parlait point, elle courbait sa belle tête, comme si elle fût venue à l’église pour prier ; mais, malgré tous ses efforts pour me paraître calme, je vis que son sein était oppressé, et qu’au milieu de son audace elle était frappée d’épouvante. Je n’osais la rassurer par des paroles tendres ; car je la savais prompte à la repartie ironique, et je ne prévoyais pas quel ton elle prendrait avec moi en cette circonstance délicate. Je comprenais seulement que plus elle s’exposait avec moi, plus je devais me montrer respectueux et soumis. Avec un caractère comme le sien, l’impudence eût été promptement repoussée par le mépris. Enfin, je vis qu’il fallait le premier rompre le silence, et je la remerciai assez gauchement de la faveur de cette entrevue. Ma timidité