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LUCREZIA FLORIANI.

sonnes, dit la Floriani avec la tranquille modestie que donne l’habitude de régner. Ne parlons pas légèrement de choses sérieuses, je t’en prie.



Voilà une superbe nourrice, s’écria Salvator. (Page 15.)

— Mais rien n’est plus sérieux que ce que je dis… Voyons ! dit-il en baissant un peu la voix par instinct plus que par véritable prudence, car le prince ne perdit pas un mot ; dis-moi, à cette heure, es-tu libre ?

— Pas le moins du monde, et moins que jamais ! J’appartiens désormais tout entière à ma famille et à mes enfants. Ce sont là des chaînes plus sacrées que toutes les autres, et je ne les romprai plus.

— Bien ! bien ! qui voudrait te les faire rompre ? Mais l’amour, dis ? Est-il vrai que, depuis un an, tu y aies renoncé ?

— C’est très-vrai.

— Quoi ! pas d’amant ? Le père de Célio et de Stella ?

— Il est mort. C’était Memmo Ranieri.

— Ah ! c’est vrai ; mais celui de la petite ?…

— De ma Béatrice ? Il m’a quittée avant qu’elle fût née.

— Celui-là n’est donc pas le père du dernier ?

— De Salvator ? non.

— Ton dernier enfant s’appelle Salvator ?

— En mémoire de toi, et par reconnaissance de ce que tu ne m’avais jamais fait la cour.

— Divine et méchante femme ! Mais enfin, où est le père de mon filleul ?

— Je l’ai quitté l’année dernière.

— Quitté ! Toi, quitter la première ?

— Oui, en vérité ! j’étais lasse de l’amour. Je n’y avais trouvé que tourments et injustices. Il fallait, ou mourir de chagrin sous le joug, ou vivre pour mes enfants en leur sacrifiant un homme qui ne pouvait pas les aimer tous également. J’ai pris ce dernier parti. J’ai souffert, mais je ne m’en repens pas.

— Mais on m’avait dit que tu avais eu une liaison avec un de mes amis, un Français, un homme de quelque talent, un peintre…

— Saint-Gély ? Nous nous sommes aimés huit jours.

— Votre aventure a fait du bruit.

— Peut-être ! Il fut impertinent avec moi, je le priai de ne plus revenir dans ma maison.

— Est-ce lui le père de Salvator ?

— Non, le père de Salvator est Vandoni, un pauvre comédien, le meilleur, le plus honnête peut-être de tous