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CONTES

à des êtres imaginaires dont elle peuplait son coin de retraite ; même parfois elle embrassait les fleurs ; et, certes, ces façons eussent fort étonné ceux qui étaient accoutumés à voir en elle une petite personne réservée de tous points et silencieuse.

Elle était venue au monde en quelque sorte avec la honte de son cœur. La pudeur physique, et tout ce qu’elle comporte d’ombrageuse sensitivité, semblait chez elle transposée au moral ; et la moindre émotion dévoilée, le moindre sentiment surpris lui causait l’intolérable malaise de la nudité.

Aussi tout ce qui est fait de demi-jour, de silence, de mystère, l’attirait-il particulièrement : les profondeurs du jardin, l’église ténébreuse et douce, la fraîcheur des pièces inoccupées. Là, elle se sentait vraiment vivre, là, elle pouvait s’épanouir dans la plénitude de son être. Et c’est bien de leur lumière discrète, de leur gravité mélancolique, de leurs colorations atténuées, de leurs parfums discrets