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CONTES

il éprouvait le besoin d’y refléter son visage ; mais en même temps sa propre image, fidèlement renvoyée, lui causait un malaise indéfinissable ; brusquement il se reculait, et, d’un rameau violemment agité, il troublait jusqu’au fond l’eau mystérieuse.

Au risque de se faire découvrir, il multipliait les occasions de revoir le jardin de Nyza ; même en son absence, la vue des lieux où elle passait sa vie lui était douce.

Un soir, qu’il s’était ainsi aventuré, il fut tout étonné de la trouver encore là. Debout entre les colonnes du portique, elle regardait la lune rose se lever au fond des vergers. Son père vénérable était assis près d’elle sur le banc de marbre héréditaire, et respirait la fraîcheur du crépuscule, la joue appuyée sur sa main.

Tous deux étaient silencieux, et l’on n’entendait d’autre bruit que le filet murmurant de la vasque et le cri intermittent d’un oiseau… Longtemps ils demeurèrent ainsi ; les ténèbres