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ruiner les possesseurs, qui étaient eux-mêmes une partie du peuple ? Comme d’ailleurs ces domaines leur avaient été laissés par leurs ancêtres, le temps leur donnait à cette possession une sorte de droit héréditaire.

XV. — Sédition de Tibérius Gracchus. — (An de Rome 620.) — Le premier qui alluma le flambeau de nos discordes fut Tibérius Gracchus, que sa naissance, sa figure, son éloquence plaçaient à la tête de la république. Soit que la crainte de partager le châtiment infligé à Mancinus, dont il avait garanti le traité, l’eût jeté dans le parti populaire, soit que, guidé par la justice et par l’humanité, il eût gémi de voir les plébéiens chassés de leurs terres, et le peuple vainqueur des nations et possesseur du monde banni de ses demeures et de ses foyers, il osa, quel que fût son motif, s’engager dans l’entreprise la plus difficile. Le jour de la présentation de sa loi, escorté d’une multitude immense, il monta à la tribune aux harangues. Toute la noblesse, s’étant avancée en un corps, se trouvait à cette assemblée ; elle avait même des tribuns dans son parti. Voyant Cnaeus Octavius s’opposer à ses lois, Gracchus, sans respect pour un collègue et pour le droit de sa charge, le fait saisir et arracher de la tribune, le menace de le faire mourir sur-le-champ, et le force, par la terreur, d’abdiquer sa magistrature. Gracchus est, par ce moyen, créé triumvir pour la répartition des terres. Pour consommer ses entreprises, il veut, au jour des comices, se faire proroger dans le tribunat ; les nobles et ceux qu’il avait dépossédés de leurs terres, s’avancent en armes, et le sang coule d’abord dans le Forum. Gracchus se réfugie sur le Capitole, et, voyant sa vie en danger, il porte la main à sa tête pour exhorter le peuple à le défendre, et laisse présumer ainsi qu’il demande la royauté et le diadème. Scipion Nasica soulève alors la multitude armée, et le fait périr avec quelque apparence de justice.

XVI. — Sédition de Caius Gracchus. — (An de Rome 629-632.) — Caius Gracchus entreprit aussitôt de venger la mort et les lois de son frère, et ne montra pas moins d’ardeur et d’impétuosité que lui. Il eut pareillement recours au désordre et à la terreur pour exciter les plébéiens à reprendre l’héritage de leurs ancêtres ; en outre, il promit au peuple, pour sa subsistance, la succession récente d’Attale. Bientôt son orgueil et sa puissance furent au comble, grâce à un second consulat et à la faveur populaire. Le tribun Minucius ose s’opposer à ses lois. Gracchus, soutenu par ses partisans, s’empare du Capitole, lieu fatal à sa famille. Il en est chassé par le massacre de ceux qui l’entourent et se réfugie sur le mont Aventin, où il est poursuivi par le parti du sénat et tué par l’ordre du consul Opimius. On insulta jusqu’à ses restes inanimés ; et la tête inviolable et sacrée d’un tribun du peuple fut payée au poids de l’or à ses meurtriers.

XVII. — Sédition d’Apuléius Saturninus. — (An de Rome 650-655.) — Apuléius Saturninus n’en soutint pas avec moins d’opiniâtreté les lois des Gracches, tant l’appui de Marius lui donnait d’assurance ! Éternel ennemi de la noblesse, ce tribun, enhardi d’ailleurs par un consulat qu’il regardait comme le sien, fit assassiner publiquement, dans les comices, Annius, son compétiteur