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astucieux ennemi tâchait d’éluder ses coups, tantôt par des prières ou par des menaces, tantôt par une fuite simulée ou véritable ; Métellus l’attaque par ses propres artifices. Non content de ravager les campagnes et les bourgs, il fond sur les principales villes de la Numidie, et s’il fait sur Zama[1] une longue et inutile tentative, du moins il pille Thala, vaste dépôt d’armes, et les trésors du roi. Bientôt, après l’avoir dépouillé de ses villes et forcé de fuir au-delà des frontières de son royaume, il le poursuit chez les Maures et dans la Gétulie.

Enfin Marius grossit l’armée d’une foule de prolétaires (1)que l’obscurité de sa naissance lui faisait, de préférence, soumettre au serment militaire, et il tombe sur Jugurtha déjà en déroute et accablé ; il a cependant autant de peine à le vaincre qu’un ennemi nouveau et dans toute sa force. Il se rend maître, par un bonheur en quelque sorte merveilleux, de la ville de Capsa, consacrée à Hercule, située au milieu de l’Afrique, et que les serpents et les sables défendent comme un rempart. Pour pénétrer dans la ville de Mulucha[2], placée sur un rocher, un Ligurien lui découvre un chemin escarpé et jusque-là inaccessible. Bientôt après, dans un sanglant combat, près de la place de Cirta, il écrase en même temps Jugurtha et Bocchus, roi de Mauritanie, qui, docile à la voix du sang, avait voulu venger le Numide. Dès lors Bocchus, désespérant du succès, tremble d’être enveloppé dans la perte d’autrui, et achète, en livrant le roi, l’alliance et l’amitié des Romains. Ainsi le plus fourbe des rois tombe dans les pièges dressés par la ruse de son beau-père ; il est remis entre les mains de Sylla ; et le peuple romain voit enfin Jugurtha chargé de fers et mené en triomphe. Quant à lui, il vit aussi, mais vaincu et enchaîné, la ville qu’il avait appelée vénale (2), et qui, selon ses vaines prédictions, devait périr, si elle trouvait un acheteur. Eh bien ! comme si elle eût été à vendre, elle trouva cet acheteur, et ce fut lui qui ne put échapper à Rome, preuve certaine qu’elle ne périra pas.

III. — Guerre des Allobroges. — (An de Rome 628 - 639). — Tels furent les succès du peuple romain dans le Midi. Il eut à soutenir vers le Septentrion des combats beaucoup plus terribles, et plus multipliés. Nulle région n’est plus affreuse que celle-là ; le ciel y communique sa rudesse au génie des habitants (3). De tous les points de ces contrées septentrionales, de la droite, de la gauche, du centre, s’élancèrent d’impétueux ennemis.

La première nation transalpine qui sentit la force de nos armes fut celle des Saliens[3], dont les incursions avaient forcé la ville de Marseille, notre très fidèle amie et alliée, à se plaindre à nous. Nous domptâmes ensuite les Allobroges[4] et les Arvernes[5], contre lesquels les Édues[6] nous adressèrent de semblables plaintes, et implorèrent notre aide et notre secours. Nous eûmes pour témoins de nos victoires, et le Var, et l’Isère, et la Sorgue, et le Rhône, le plus rapide des fleuves. Les Barbares éprouvèrent la plus grande terreur à la vue des éléphants, dignes de se mesurer avec ces nations farouches. Rien, dans le triomphe, ne

  1. Ville d’Afrique, à cinq jours de marche de Carthage.
  2. Situées dans la Mauritanie, sur le fleuve de ce nom. V. Salluste (Bell Jug. c. 93).
  3. Ils habitaient au sud-est de la Provence.
  4. All-Brog (gaël), hauts lieux. Leur territoire comprenant la Savoie, une partie du Dauphiné et du canton de Genève.
  5. Peuple de l’Auvergne.
  6. Peuple du territoire d’Autun, de Nevers et de Macon.