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Crassus[1], et le fit lui-même prisonnier. Mais Crassus, se souvenant de la gloire de sa famille et du nom romain, creva l’œil avec une baguette, au Barbare commis à sa garde, et le contraignit ainsi à lui donner la mort qu’il désirait. Bientôt après, vaincu par Perperna, et forcé de se rendre, Andronicus fut jeté dans les fers. Aquilius étouffa les restes de cette guerre d’Asie par un odieux moyen : il empoisonna les fontaines pour réduire quelques villes. Cette perfidie accéléra mais flétrit sa victoire ; c’était, au mépris des lois divines et des usages de nos pères, souiller, par d’infâmes empoisonnements, l’honneur, jusque-là sans tache, des armes romaines.

II. — Guerre de Jugurtha. — (An de Rome 641-647.) — Tel était l’état l’Orient ; mais la même tranquillité ne régnait pas au Midi. Qui aurait cru qu’après la ruine de Carthage il pût y avoir quelque guerre en Afrique ? Cependant la Numidie s’ébranla violemment, et Rome trouva dans Jugurtha un ennemi encore redoutable après Annibal. Ce prince artificieux, voyant le peuple romain illustre et invincible dans les combats, lui fit la guerre avec de l’or ; mais la fortune voulut, contre l’attente générale, que le plus rusé des rois fût lui-même victime de la ruse.

Il avait Massinissa pour aïeul, et Micipsa pour père par adoption. Dévoré de la passion de régner, il avait formé le dessein d’ôter la vie à ses frères, et il ne les craignait pas plus que le sénat et le peuple romain, sous la foi et la protection desquels était le royaume. Son premier crime est le fruit de la trahison, et la tête d’Hiempsal est bientôt en son pouvoir. Il se tourne alors contre Adherbal, lequel s’enfuit à Rome ; il y envoie de l’argent par ses ambassadeurs[2], entraîne le sénat dans son parti ; ce fut là sa première victoire sur nous. Attaquant ensuite, par un semblable moyen, la fidélité des commissaires chargés de partager la Numidie entre lui et Adherbal, il triomphe dans Scaurus des mœurs même de l’empire romain[3], et consomme avec plus d’audace son crime inachevé. Mais les forfaits ne restent pas longtemps cachés ; le secret honteux de la corruption des commissaires est dévoilé, et la guerre résolue contre le parricide.

Le consul Calpurnius Bestia est envoyé le premier en Numidie ; mais le roi, sachant que l’or est plus puissant que le fer contre les Romains, achète la paix. Accusé de ce crime, et cité par le sénat à comparaître sous la garantie de la foi publique, il ose à la fois et se présenter et faire assassiner Massiva, son compétiteur au trône de Massinissa. Ce meurtre est une autre cause de guerre coutre lui. On confie donc à Albinus le soin de cette nouvelle vengeance. Mais, ô honte ! Jugurtha corrompt aussi cette armée ; et nos soldats, par une fuite volontaire, abandonnent au Numide la victoire et le camp. Enfin, après un traite honteux, prix de la vie qu’il lui laisse, il renvoie cette armée qu’il avait d’abord achetée.

Métellus se lève alors pour venger, non pas tant les pertes, que l’honneur de l’empire romain. Son

  1. Crassus était consul, et non préteur.
  2. V. Salluste. (Bell. Jugurth. c. 13.)
  3. V. Salluste, (ibid. c. 13 et 29), et Cicéron (De Offic. l. 1. c. 30 ; in Brut. c. 29. orat. pro. Sext. c. 47.