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XXXI. César envoya ordre aux soldats qui étaient sortis des retranchements pour aller au bois ou au fourrage, ou pour ramasser des fascines dans le vallon, de revenir avec les travailleurs, et de rentrer dans les lignes peu à peu sans confusion et sans bruit. En même temps il commanda aux cavaliers qui avaient été de garde, de reprendre leur poste et d’y rester jusqu’à ce que l’ennemi leur eût lancé quelques traits ; et s’il approchait davantage, de se retirer au camp dans le meilleur ordre qu’ils pourraient. Quant au reste de la cavalerie, il lui fut enjoint de se tenir prête et armée dans ses quartiers. César n’avait pas besoin de se transporter sur le rempart pour reconnaître par lui-même les mouvements de l’ennemi ; doué de talents militaires vraiment merveilleux, il donnait ses ordres assis dans sa tente et les faisait porter par ses officiers et par ses coureurs. Il était persuadé que les ennemis, malgré la confiance qu’ils avaient dans leur nombre, se souvenaient qu’il les avait souvent battus, défaits, épouvantés, qu’il leur avait accordé la vie et le pardon de leurs fautes ; et que ces souvenirs, joints à la conscience de leur faiblesse, les empêcheraient d’avoir jamais l’audace d’attaquer son camp. D’ailleurs son nom, sa réputation, devaient en grande partie décourager leur armée. De plus, son camp était très bien fortifié, son rempart fort élevé, son fossé profond, et ses dehors si bien semés de chausse-trappes, qu’ils se défendaient d’eux-mêmes. Enfin il était bien fourni de scorpions, de machines, de traits, en un mot de toute espèce d’armes offensives, dont il s’était pourvu à cause de son peu de monde et du peu d’expérience de ses troupes. Que s’il paraissait timide et réservé, ce n’était pas qu’il eût peur de l’ennemi ; ce n’était pas même que le petit nombre et l’inexpérience de ses troupes le fît douter du succès ; mais il pensait qu’il était très important de bien voir quelle serait la victoire. En effet, il lui eût semblé honteux, après tant de beaux exploits, tant de batailles glorieuses et d’éclatants succès, de ne remporter sur ces ennemis qu’il avait déjà mis en déroute, qu’une victoire sanglante. Il avait donc résolu de souffrir leurs bravades jusqu’à ce qu’un second convoi lui eût apporté une partie de ses vieilles légions.

XXXII. Scipion, après être resté quelque temps dans la plaine, comme je viens de le dire, de manière à montrer son mépris pour César, fait rentrer peu à peu ses troupes, et, les ayant assemblées, il leur parle de la terreur qu’il inspire à César et du découragement de son armée ; il les exhorte et leur promet dans peu une victoire complète. Pour César, il renvoie ses soldats aux travaux, et, sous prétexte de fortifier le camp, il ne laisse pas un moment de relâche à ses nouvelles troupes. Cependant les Numides et les Gétules désertaient chaque jour le camp de Scipion ; les uns retournaient dans leur pays ; les autres, se rappelant les bienfaits qu’eux et leurs ancêtres avaient reçus de Marius, dont on leur disait que César était