Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/495

Cette page n’a pas encore été corrigée

bat également dangereux pour les deux armées.

XXVIII. Tandis que les deux chefs se préparaient ainsi devant Ruspina, C. Vergilius, ancien préteur qui commandait le port de Thapse[1], aperçut quelques vaisseaux montés par des soldats de César, qui erraient à l’aventure, sans connaître le pays ni le lieu où il était campé. L’occasion lui parut favorable : il remplit un bâtiment de transport de soldats et d’archers, y joignit quelques chaloupes, et poursuivit les vaisseaux de César. Il en attaqua plusieurs et fut repoussé et chassé. Cependant, comme il s’opiniâtrait à la poursuite, il tomba par hasard sur un bâtiment où se trouvaient deux jeunes Espagnols, du nom de Titius, tribuns de la cinquième légion, et dont le père avait été fait sénateur par César. Ils avaient avec eux T. Saliénus, centurion de la même légion, lequel avait autrefois assiégé dans Messine, M. Messala, lieutenant de César, et lui avait tenu des discours fort séditieux ; il s’était même emparé de l’argent et des ornements destinés au triomphe de César, et à cause de cela, il craignait de tomber entre ses mains. Avec la conscience du châtiment que méritaient ses fautes, il persuada aux deux jeunes gens de se rendre sans résistance à Vergilius. Celui-ci les envoya à Scipion qui les livra à ses gardes, et, trois jours après, ils périrent. Comme on les menait au supplice, l’aîné des Titius, à ce qu’on rapporte, demanda aux centurions à mourir avant son frère ; on le lui accorda aisément, et ils furent ainsi mis à mort.

XXIX. Cependant les postes de cavalerie, placés à la porte des deux camps, ne laissaient point passer de jour sans se livrer de légers combats ; quelquefois aussi, les cavaliers germains et gaulois de Labiénus faisaient trêve et s’entretenaient avec les cavaliers de César. Pendant ce temps Labiénus, avec une partie de sa cavalerie, essayait d’emporter de force Leptis, où Saserna commandait avec trois cohortes ; mais cette place était bien fortifiée et pourvue de machines ; on la défendait sans peine et sans danger. Cependant, comme la cavalerie revenait souvent à la charge, et qu’un jour une grosse troupe de cavaliers ennemis s’était avancée jusque devant la porte, un trait bien ajusté, lancé par un scorpion (6), atteignit le décurion et le cloua sur son cheval, ce qui effraya tellement les autres qu’ils s’enfuirent vers leur camp. Depuis lors ils n’osèrent plus faire aucune tentative contre cette ville.

XXX. Cependant Scipion rangeait tous les jours son armée en bataille à environ trois cents pas de son camp, et après y avoir passé la plus grande partie de la journée, rentrait dans ses retranchements. Comme il avait souvent réitéré cette manœuvre sans que personne sortît du camp de César, et s’avançât vers lui, cette patience lui inspira un tel mépris pour César et pour son armée, qu’il osa faire sortir toutes ses troupes, plaça en tête trente éléphants chargés de tours, et déployant le plus possible sa cavalerie et son infanterie, déjà fort nombreuses, il s’arrêta ainsi dans la plaine, non loin de nos retranchements.

  1. Ville de l’Afrique propre, dans la Bizarénne.