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passés au fil de l’épée. De là ils allèrent ravager la campagne et désoler les villes. À ces nouvelles, Juba, qui était au moment de joindre Scipion et les autres chefs, réfléchit qu’il valait mieux aller au secours de son propre royaume, que de s’exposer à le perdre en voulant secourir les autres sans peut-être y réussir. Craignant donc pour lui-même et pour ses intérêts, il se retira une seconde fois, et emmena même les troupes qu’il avait envoyées à Scipion : il lui laissa seulement trente éléphants, et partit à la défense de ses frontières et de ses places.

XXVI. César, informé qu’on doutait de son arrivée dans la province, et que l’on croyait ses troupes venues en Afrique avec un de ses lieutenants, envoya des lettres dans toutes les villes du pays pour les assurer qu’il était présent. Alors des personnages distingués de la province, abandonnant leurs villes, vinrent le trouver dans son camp, et se plaignirent à lui des excès et de la cruauté de l’ennemi. Jusque là il s’était tenu tranquille dans ses retranchements ; mais, touché de leurs larmes et de leurs prières, il résolut d’entrer en campagne dès que la saison serait venue, et que toutes ses forces seraient rassemblées. Il écrivit donc sur-le-champ en Sicile, à Alliénus et à Rabirius Postumus, auxquels il fit passer ses lettres par une barque légère, leur mandant de lui envoyer ses troupes sans retard, et sans égard à la saison ni aux vents contraires : qu’autrement l’Afrique était perdue et bouleversée ; que si on ne la secourait au plus tôt, il n’y resterait plus que le sol, et pas une maison où l’on pût se mettre à couvert de la rage de l’ennemi. Il avait tant d’impatience et tant d’empressement que, dès le lendemain du départ de ses lettres, il se plaignait du retard de sa flotte, et de son armée, et que, nuit et jour, ses yeux et sa pensée étaient tournés vers la mer. Et il ne faut pas s’en étonner ; car il voyait devant lui brûler les habitations, ravager les terres, enlever et massacrer le bétail, ruiner et désoler les châteaux et les villes, mettre à mort et charger de chaînes les principaux du pays, et emmener leurs enfants en servitude à titre d’otages, sans que le petit nombre de ses troupes lui permit de secourir ces malheureux qui l’imploraient. Cependant il exerçait ses soldats, fortifiait son camp, élevait des tours et des redoutes, et poussait ses retranchements jusqu’à la mer.

XXVII. Dans le même temps, Scipion s’appliqua à dresser ses éléphants. Voici comme il s’y prit. Il partagea son armée en deux corps : l’un, composé de frondeurs, figurait l’ennemi et lançait de petits cailloux contre les éléphants rangés en ligne ; l’autre était en bataille derrière les éléphants, afin de les forcer à coups de pierres, quand ils seraient attaqués et qu’ils voudraient prendre la fuite, à retourner contre l’ennemi, ce qu’ils n’exécutaient qu’avec peine et lenteur, car ces animaux, à peine dressés après plusieurs années d’exercice, sont toujours, dans un com-