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fatigue et de blessures, étaient hors d’état de le poursuivre et de fournir une longue course ; comme d’ailleurs il ne restait que fort peu de jour, César ordonna aux cohortes et à ses cavaliers de charger tous ensemble l’ennemi, et de ne pas s’arrêter qu’ils ne l’eussent chassé au-delà des dernières collines, et qu’ils n’en fussent les maîtres. En conséquence, au signal donné, et lorsque déjà les ennemis commençaient à lancer leurs traits avec mollesse et nonchalance, il détache sur eux ses cohortes et sa cavalerie, et en un moment, sans essayer de se défendre, ils sont repoussés de la plaine et rejetés au-delà des hauteurs, dont les nôtres s’emparent. Ils s’y arrêtent quelque temps, et puis reviennent dans le même ordre et au pas vers leurs retranchements. De leur côté les ennemis, que nous avions si mal reçus, rentrèrent dans leurs forts.

XIX. À la suite de ce combat, des transfuges de toute espèce vinrent à nous, et l’on fit beaucoup de prisonniers parmi les fantassins et les cavaliers ennemis. On sut par eux que le dessein de l’ennemi avait été d’étonner, par cette manière nouvelle et extraordinaire de combattre, nos jeunes soldats, et même nos vétérans qui étaient en petit nombre, de les envelopper avec leur cavalerie, et de les écraser comme ils l’avaient fait de l’armée de Curion (3) ; ils ajoutaient que Labiénus s’était vanté en plein conseil de nous charger avec tant de troupes, que la fatigue seule de tuer et de vaincre nous ferait succomber. En effet, il comptait beaucoup sur le succès de cette multitude : d’abord il avait appris que les vieilles légions s’étaient mutinées et qu’elles refusaient de passer en Afrique ; ensuite il ne doutait pas de la fidélité de ses soldats, que trois années de séjour dans le même pays lui avaient attachés, et il était soutenu par de nombreuses troupes de cavalerie et d’infanterie numide, armées à la légère ; de plus il avait avec lui des cavaliers germains et gaulois, débris de l’armée de Pompée, qu’il avait ramenés de Buthrote, des étrangers (4), des affranchis et des esclaves levés dans le pays, qu’il avait exercés et dressés à conduire des chevaux avec la bride ; enfin, outre tout cela, les secours fournis par le roi, cent vingt éléphants, une cavalerie innombrable, et plus de douze légions composées de toutes sortes de gens. Plein d’espoir et d’audace, fier de se voir à la tête de seize cents chevaux germains et gaulois, de huit mille Numides, qui ne se servaient point de bride, de onze cents cavaliers que lui avait amenés Pétréius, de quatre fois autant d’infanterie et de troupes légères, et d’un grand nombre d’archers et de frondeurs à pied et à cheval, Labiénus avait attaqué César en rase campagne la veille des nones de janvier, trois jours après notre débarquement. Le combat dura depuis la cinquième heure jusqu’au coucher du soleil. Pétréius en sortit grièvement blessé.

XX. Cependant César fortifia son camp avec plus de diligence, redoubla la garde des forts, et fit tirer deux retranchements, l’un de Ruspina à la mer, et l’autre de la mer au camp, afin de pouvoir communiquer librement de l’un à l’autre, et