Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/488

Cette page n’a pas encore été corrigée

En même temps il détacha dix galères pour aller chercher le reste des bâtiments de transport qui s’étaient égarés, et pour assurer la navigation. Il envoya aussi le préteur C. Sallustius Crispus[1], avec un certain nombre de vaisseaux du côté de l’île de Cercina, dont les ennemis étaient maîtres, parce qu’on y avait fait, disait-on, de grands approvisionnements de blé. Tous ces ordres, César avait eu soin de les préciser, de manière à ne laisser aucune excuse à la négligence et à la lenteur. Pendant ce temps, ayant appris par des transfuges et par des habitants du pays les engagements onéreux contractés avec Juba, par Scipion et les siens (car Scipion s’était obligé à entretenir la cavalerie du roi aux frais de la province d’Afrique), il gémit de voir des hommes assez dépourvus de sens pour aimer mieux être tributaires d’un roi, que de vivre avec leurs concitoyens au sein de leur patrie, dans la possession paisible et sûre de leurs biens.

IX. César lève son camp le troisième jour des nones de janvier, laisse à la garde de Leptis six cohortes sous les ordres de Saserna, et retourne avec le reste de ses troupes à Ruspina qu’il avait quittée le jour précédent. Là, sans s’embarrasser du bagage, il part avec une troupe légère pour aller chercher des vivres aux environs, se fait suivre par les habitants avec des bêtes de somme et des chariots, et, après avoir ramassé d’abondantes provisions de blé, revient à Ruspina. En faisant cette tournée, son dessein était, je crois, de chercher de quoi pourvoir les villes maritimes qu’il laisserait derrière lui, et de rassurer des postes où les vaisseaux pourraient trouver une retraite.

X. Aussi, après avoir remis la garde de cette place, où il laissait une légion, à P. Saserna, frère de celui qu’il avait laissé près de là, à Leptis, et lui avoir recommandé d’y ramasser le plus de bois qu’il pourrait, il part avec sept cohortes tirées des vieilles légions qui avaient servi sur la flotte de Sulpicius et Vatinius, se rend à un port éloigné de deux mille pas de Ruspina, et s’embarque sur le soir avec cette troupe, sans que personne de l’armée connaisse son dessein. Ce départ donna beaucoup d’inquiétude et de chagrin à ses soldats ; ils étaient peu nombreux, la plupart de nouvelle levée ; et, avant même qu’ils fussent au complet, ils se voyaient exposés, dans le sein de l’Afrique, aux attaques d’une armée puissante, d’une nation perfide et d’une cavalerie innombrable, n’ayant à espérer de consolation ou de secours que de la présence de leur général, de sa fermeté inébranlable et de son admirable sérénité. En effet, toute sa personne annonçait la grandeur et l’élévation de son âme : ses troupes se reposaient sur lui avec confiance, et dirigées par son expérience et son génie, elles croyaient tout possible.

XI. César, après avoir passé la nuit sur sa flotte, se préparait à partir au point du jour, lorsqu’il vit paraître ceux de ses vaisseaux qui s’étaient égarés et que le hasard amenait sur cette côte. Aussitôt il fait débarquer tous ses gens, en leur ordonnant d’attendre en armes sur le rivage les autres soldats qui arrivent ; et, dès que les

  1. L’historien.