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inhabile, si les légions de César se tiraient de ce mauvais pas sans un extrême dommage".

(1) César, inquiet pour la retraite, fit porter des claies au haut de la colline, en face de l’ennemi, et ayant mis ainsi à couvert ses soldats, leur ordonna de creuser un fossé d’une médiocre largeur, et d’embarrasser autant que possible tout le passage. (2) Ensuite il plaça lui-même des frondeurs dans des endroits favorables, pour qu’ils eussent à protéger la retraite. Après avoir pris ces mesures, il donna le signal du départ. (3) Les soldats de Pompée n’en furent que plus insolents, et plus hardis à nous poursuivre et à nous presser ; ils renversèrent les claies qui bordaient les retranchements, afin de franchir le fossé. À cette vue, César, craignant que ses troupes ne parussent pas ramenées, mais chassées, et qu’il n’en résultât quelque échec, les fit, à mi-chemin, encourager par Antoine qui commandait une légion, et ordonna que l’on sonnât la charge. (5) Aussitôt les soldats de la neuvième légion, ayant serré les rangs, lancèrent le javelot, remontèrent à la course vers l’ennemi, le poussèrent avec vigueur et l’obligèrent à tourner le dos. Les claies, les perches, les fossés, lui furent d’un grand obstacle dans sa fuite. (6) Quant à nos soldats, contents de se retirer sans dommage, après lui avoir tué beaucoup du monde et n’avoir perdu que cinq hommes, ils revinrent tranquillement, et se saisirent de quelques collines un peu moins avancées, où ils se retranchèrent.

Réflexions sur la situation. Disette des Césariens

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(1) C’était une manière inusitée et toute nouvelle de faire la guerre, soit à cause du grand nombre de forts qu’on occupait, soit à cause de la largeur de l’enceinte, soit pour le système général d’attaque et de défense, soit pour tout le reste. (2) En effet, d’ordinaire, quand une armée en assiège une autre, c’est que celle-ci est affaiblie par la perte d’une bataille, ou qu’elle a essuyé quelque échec, et que la première lui est supérieure en forces : alors, en l’investissant, on a pour but de lui couper les vivres. (3) Ici César, avec des troupes moins nombreuses, enfermait une armée encore intacte, abondamment pourvue de tout ; car une foule de vaisseaux lui apportait chaque jour des subsistances de toutes parts, et, quelque fût le vent, il y avait toujours des vaisseaux auxquels il était favorable. (4) César, au contraire, avait consommé tout le blé qu’il avait pu trouver dans les contrées voisines, et il était réduit à une extrême disette. (5) Mais les soldats supportaient ces maux avec une rare patience : ils se souvenaient que l’année précédente, en Espagne, ils avaient enduré une pareille détresse, et que cependant ils avaient, par leur fermeté et leur constance, terminé une grande guerre ; ils se rappelaient avoir enduré, à Alésia, une disette aussi cruelle, une autre à Avaricum plus cruelle encore, et qu’ils n’en avaient pas moins vaincu les plus puissants peuples. (6) Ils recevaient donc sans murmure l’orge et les légumes qu’on leur donnait, et le bétail que l’on tirait en assez grande quantité de l’Épire était leur mets le plus précieux.

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(1) Il y a aussi une espèce de racine, qui