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un chemin étroit et difficile, dans l’espérance, soit d’y attirer Pompée, soit de couper ses communications avec cette place, où il avait fait porter ses vivres et toutes ses munitions de guerre ; c’est ce qui arriva. (4) En effet, Pompée, ne pénétrant pas d’abord son dessein, parce qu’il lui avait vu prendre un chemin qui ne menait pas à cette ville, s’imagina que le manque de vivres avait déterminé sa retraite ; mais bientôt mieux instruit par ses coureurs, il leva son camp le lendemain, avec l’espoir de le prévenir en prenant un chemin plus court. (5) César, qui s’en douta, exhorta les troupes à supporter la fatigue avec courage, ne s’arrêta que quelques heures pendant la nuit, arriva le matin devant Dyrrachium au moment où l’on apercevait les premières troupes de Pompée, et là il assit son camp.

Pompée se fortifie dans le voisinage de Dyrrachium. Dispositions de César

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(1) Pompée, ainsi séparé de Dyrrachium et ne pouvant plus exécuter son premier projet, changea de résolution : il alla camper sur une hauteur nommée Pétra, qui formait une petite anse où les vaisseaux étaient abrités contre certains vents ; (2) il y fit venir une partie de ses galères et apporter du blé et des vivres, tant de l’Asie que des autres pays qui étaient dans sa dépendance. (3) César, comprenant que la guerre allait traîner en longueur, et ne comptant plus sur ses convois d’Italie, parce que la flotte de Pompée gardait soigneusement toute la côte, et que les vaisseaux qu’il avait fait construire pendant l’hiver, en Sicile, en Gaule et en Italie, n’arrivaient point, envoya en Épire Q. Tillius et L. Canuléius, son lieutenant, pour avoir des vivres ; et, comme ce pays était assez éloigné, il établit des magasins en différents lieux, ordonna aux villes voisines de lui fournir des chariots de transport, (4) et fit rechercher tout le blé qui pouvait être à Lissus, chez les Parthini, et dans tous les châteaux. (5) Il s’en trouva fort peu, parce que le pays étant sec et montueux on n’y consomme d’ordinaire que du blé importé ; et d’ailleurs Pompée y avait pourvu les jours précédents, en livrant le pays des Parthini au pillage ; ses troupes avaient fouillé les maisons en tous sens, en avaient retiré tout le blé qu’elles recelaient, et la cavalerie l’avait emporté.

César entreprend d’investir Pompée

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(1) Instruit de ces choses, César règle ses dispositions d’après la nature des lieux. Des collines hautes et escarpées environnaient le camp de Pompée : il commence par s’en saisir et y place des gardes et des forts. (2) Après avoir fait la même chose de coteau en coteau, autant que le terrain le permettait, il joint tous ces forts par des lignes de communication, et commence à investir Pompée. (3) Plusieurs motifs l’engageaient à agir ainsi : d’abord, comme il était fort pressé de vivres, et que l’ennemi avait une cavalerie beaucoup plus nombreuse, il voulait par là pouvoir faire venir de tous côtés, avec moins de risques, le blé et les convois nécessaires à l’entretien de son armée ; ensuite il comptait empêcher l’ennemi d’aller au fourrage, et