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qu’on allumât des feux, afin de mieux cacher son arrivée. (6) Antoine en fut aussitôt averti par des Grecs. Il dépêcha vers César, et ne sortit point ce jour-là de son camp. Le lendemain César le joignit. Pompée ne l’eut pas plus tôt appris, que, craignant d’être enfermé entre deux armées, il quitta la place, se retira avec toutes ses troupes vers Asparagium, et y campa dans un poste avantageux.

Agissements de Scipion

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(1) À cette époque, Scipion, pour prix de quelques échecs essuyés vers le mont Amanus, s’était adjugé le titre d’imperator. (2) Après cela, il tira de grandes sommes des villes et des tyrans de ces contrées ; il exigea des receveurs publics le paiement de deux années qui étaient échues, les obligea à lui avancer le revenu de l’année suivante, par forme d’emprunt, et leva de la cavalerie dans toute la province. (3) Lorsqu’elle fut rassemblée, laissant derrière lui les Parthes, ses plus proches ennemis, qui venaient de tuer le général M. Crassus et d’assiéger M. Bibulus, il quitta la Syrie avec sa cavalerie et ses légions, (4) et il entra dans la province où l’on redoutait une irruption des Parthes ; et comme les soldats disaient assez hautement qu’ils marcheraient contre l’ennemi si on les y menait, mais qu’ils ne porteraient point les armes contre un citoyen romain et un consul, Scipion, pour s’attacher les troupes, les mit en quartiers d’hiver à Pergame et dans les villes les plus riches, leur fit de grandes largesses, et leur accorda le pillage de plusieurs cités.

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(1) Cependant les sommes auxquelles il avait imposé la province étaient exigées partout avec la dernière rigueur ; il imaginait toutes sortes de moyens pour assouvir son avarice. (2) Un jour il mettait une taxe sur les esclaves et sur les hommes libres ; le lendemain il commandait qu’on lui fournît du blé, des soldats, des rameurs, des armes, des machines, des chariots ; enfin, tout ce qui avait un nom lui servait de prétexte pour arracher de l’argent. (3) Il établit des gouverneurs, non seulement dans les villes, mais dans presque tous les villages et les châteaux ; et le plus inhumain, le plus cruel d’entre eux passait pour l’homme le plus digne et le meilleur citoyen. (4) La province était remplie de licteurs, d’agents, d’exacteurs de toute espèce, qui, outre les sommes imposées, en exigeaient encore d’autres pour leur propre compte : ils disaient que, chassés de leurs maisons et de leur patrie, ils étaient dénués de tout, et couvraient ainsi d’un prétexte honnête l’infamie de leur conduite. (5) Ajoutez à cela l’énormité des usures, malheur assez commun en temps de guerre, à cause du grand nombre des impôts : on en était venu là qu’un délai d’un jour était considéré comme une faveur. Aussi, les dettes de la province s’accrurent singulièrement dans ces deux années. (6) Des contributions arbitraires n’en furent pas moins levées, non pas seulement sur les citoyens romains qui habitaient cette province, mais sur chaque corps, sur chaque ville : on disait que c’était un emprunt ordonné par le sénat. On força les receveurs publics, comme on avait fait en Syrie, d’avancer le revenu de l’année suivante.

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