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sens, on avait eu de bons vents pour se mettre en mer ; (2) et plus le temps avançait, plus les chefs de la flotte ennemie étaient sur leurs gardes et se flattaient d’empêcher l’abordage. Pompée ne cessait de leur écrire pour les gourmander, leur disant que s’ils avaient laissé passer César, ils empêchassent du moins le reste de ses troupes de le joindre ; et ceux-ci attendaient que les vents s’adoucissent et que la saison devînt moins favorable à la rapidité des transports. (3) Justement inquiet, César écrivit à Brindes aux commandants de la flotte, leur enjoignant de partir par le premier bon vent, de diriger leur roule vers la côte d’Apollonia, et de tout faire pour y échouer. Cette côte était moins bien gardée que les autres, l’ennemi n’osant pas trop s’éloigner de ses ports.

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(1) Ceux-ci, enhardis et encouragés par ces lettres, pressés par M. Antoine et Fufius Calénus, animés par les soldats qui ne se refusaient à aucun danger pour le salut de César, mettent à la voile à la faveur d’un vent du midi, et passent le lendemain à la vue d’Apollonia et de Dyrrachium. (2) Dès qu’on les aperçut du rivage, Coponius, qui commandait la flotte de Rhodes à Dyrrachium, la fit sortir du port ; secondés par le vent qui avait baissé, ils allaient nous atteindre, lorsque le vent du midi se remit à souffler avec plus de force et nous sauva. (3) Malgré cela, Coponius s’opiniâtra à nous poursuivre, espérant que l’ardeur et la persévérance de ses matelots surmonteraient la violence de la tempête ; et déjà le vent nous avait portés au-delà de Dyrrachium, qu’il nous suivait encore. (4) Les nôtres, qui jusqu’alors avaient eu pour eux la fortune, craignaient cependant l’attaque de la flotte si le vent venait à tomber. Ayant trouvé le port appelé Nymphéum, à trois mille pas au-dessus de Lissus, ils y relâchèrent. Ce port, assez sûr contre le vent du couchant, n’était pas à couvert du vent du midi ; mais on préféra les périls d’une tempête à la chance d’une rencontre. (5) 1u reste, à peine y fut-on entré que, par un bonheur incroyable, le vent, qui depuis deux jours soufflait du midi, tourna tout d’un coup à l’occident.

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(1) On put voir alors un soudain changement de fortune. Ceux qui naguère craignaient pour leur salut se trouvaient dans le port le plus tranquille, et ceux qui avaient menacé nos vaisseaux étaient forcés de trembler pour eux-mêmes. (2) Ainsi, le vent ayant changé, la tempête garantit notre flotte et dispersa celle de Rhodes : toutes ces galères, au nombre de seize, échouèrent contre la côte et périrent ; et, d’un grand nombre de rameurs et de combattants qu’elles portaient, les uns furent écrasés contre les rochers, les autres recueillis par nos gens. Tous ceux qu’on put sauver furent renvoyés dans leurs foyers par César.

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(1) Deux de nos vaisseaux, qui étaient restés en arrière et que la nuit avait surpris, ignorant la route que les autres avaient tenue, jetèrent l’ancre devant Lissus. (2) Otacilius Crassus, qui commandait dans cette ville, prépara un grand nombre de petites barques et de chaloupes pour aller les combattre ; en même temps il les invitait à se rendre,