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Tlnicyiiide , ce n’est pas par bonne volonté pour ce dernier. Il loue celui qu’il ne craint pas, assuré île la prééminence sur l’iiistorien { ;rec ; il cherche par ce détour ù remporter une victoire plus douteuse sur l’historien latin. Voilà le sentiment de Sénèque. < Jn peut néainnoins dire en général sur cette dispute, (pi’elle ne parait pas fondce. Chacun d’eux aurait 1res mal fuit de suivre la méthode de l’autre, et inus deux ont pris la route convenable à leur objet. Salhistc, qui écrit un point d’histoire particulier , fait arriver son lecteur au but d’une action imique avec une force et une rapidité qui l’enlèveul. Tite-Live, au contraire, ayant à tcrire lliisioire générale de son pays , suit sa route d’un pas égal et majestueux. L’élégance de son style, la clarté de sa narration , font cheminer avec lui au milieu de tant de beautés qu’on se trouve toujours trop pronipleinent arrivé à la (in, et cpiau dire de Quinlilien, il a atteint celle admirable vélocité de Salluste, par un talent tout opposé ; mais que serait-ce si l’un eût enq]loyé dans de petits ouvrages toute l’abondance de l’autre ? Et (|ui pourrait soutenir la lecture des cent livres du second , s’il était aussi serré et aussi plein de pensées que le premier ? Aussi les jeunes gens doiveiit-ils commencer par lire Tite-Live avant Salluste , qui demande un esprit plus mûr et [ilus formé. C’est le précepte de Quinlilien. Au reste, Salluste a si bien senti qu’il fallait que le ton de l’historien fût convenable à son sujet, etréglé sur la matière , (lu’il a eu soin de le tenir, comme je l’ai dit , moins serré dans le Jngurtha que dans le Ciitifiiia, et beaucoup moins dans la grande histoire que dans les deux autres.

Si Tite-Live a été le plus dangereux ennemi de la gloire de Salluste, il n’a pas été le seul. L’envie a porté beaucoup de gens, même de beaux génies, à le critiquer avec amertume, mais souvent avec encore plus d’ignorance et de malignité. Ce n’est pas à dire néanmoins qu’il soit irrépréhensible en tout. Voici quelles sont les principales de ces critiques et ce qu’un y répond. Pollion l’a fort maltraité dans ses lellres, tantsur son aflectalion à employer de vieux mots, que sur la trop grande hardiesse de sa construction. Mais Pollion prétendait se donner pour le seul homme qui sût écrire. A l’en croire, son style triste et maigre était au-dessus de la richesse de Tite-Live et de la véhémence de Salluste. Trogue Pompée le blâme, ainsi que Tite-Live, d’avoir fait leurs harangues directes et tiop lon^jues pour la narr.Jtion. Sur ceci, il faut que Trogue Pompée n’ait pas fait attention (piela plupart de ces harangues étaient effectives et non imaginées à plaisir. Salluste n’a fait en cela que remplir ledevoird’un historien fidtle.Quint à Séneipie, on necomprend pas à p : opos de quoi il dit (ju’on ne lit ces discours qu’en faveur de la narration. ( )n n’est pasmoins porté, ce me semble, à rejeter une critique si peu judicieuse, que choqué de le voir repris d’avoir trnp coupé ses phrases, par ce même Sénèque, mille fois plus sujet que Salluste à ce défaut , qu’il a poussé au plus grand excès. Avant lui , le rhéteur Cassius Sévérus avait déjà avancé qu’il en était des harangues de .Salluste coiniiie des vers de Cicéron et de la prose de Virgile, voulant noter ainsi la partie faible de ces trois grands écrivains. J’avoue que je pense bien différemment, et que les harangues de Salluste me paraissent une des plus belles choses qu il y ait au momie. (Juant aux vers de Cicéron , quoique fort inférieurs à sa prose, et bientôt après eff.icés par les poèmes admirables de Lucrèce et de Virgile, c’est avec justice que Cicéron a tté regardé par ses contemporains comme le premier des poètes latins. Nul autre jusqu’alors ne lui était comparable , car il faut metlre à i)art Térence, qui a la poésie prosaïque et de conversation convenable à son genre. Et même, si dans la poésie de Cicéron on rencontre queUpiefois, comme dans celle du grand Corneille, quelques vers négligés, mal construits, on même plais, (|iii e.xcilent la risée des petits grammairiens puristes, qui tiennent plus aux niuls qu’aux choses, on ne peut nier qu’en général ses vers ne soient assez bons et qu’il ne s’y trouve quelquefois des morceaux dignes même d’Homère.

Quintilien n’approuve p.iS que Salluste ait commencé son Caiiliuu par une digression sur les mœurs de l’ancienne Rome. Scaliger, au contraire, loin de regarder ceci comme un ornement ambitieux, l’a jugé nécessaire, puisipie le projet de la conspiration étant un fruit de la corruption de S(in siècle, il a commence par en indiquer la source, et faire voir les causes de la décadence des mœurs anciennes. Au sujet de ses préfaces, qu’on peut critiquer, comme étant des discours philologiques d’une grande force de pensée , à la vérité, mais tout à fait généraux et trop peu liés aux ouvrages pour lesquels ils sont faits , en telle sorle qu’ils p :iurraient presque également convenir à d’autres. Muret dit que Salluste ayant à rendre raison de la préférence que , dans la nécessité où les hommes sont de se faire une occupation utile, il donnait aux travaux de res[)rit sur ceux lui corps, comme plus propres à faire passer son nom à la postérité, et, en particulier, au glorieux emploi d’écrire l’histoire, il dut re|)rendre de plus haut tous ces différents points, en présentant d’abord à ses lecleurs les propositions générales et les vues métaphysiques servant à les établir. Au reste, il ne paraît pas ipie les anciens aient pris assez à tache d’approprier leurs préfaces au corps même de l’ouvrage au devant duquel ils les [)lacent. Ils ne craignent point de leur donner la forme d’un discours général. C’est ce qu’on peut remarquer dans celles de Oiodore, d’un genre semlilable à celles de Salluste, et .•iusceplibles d’être presque aii.ssi bien placées en tête d’autres écrits. Vopisqiie l’ac-